vendredi, juillet 23, 2010

L'admiration d'un oiseau chanteur reste une chose fragile

Il y a quelques années de cela, avant que je ne me décide à ouvrir ce blog et y raconter mes expériences livresques, j'avais reçu un véritable électrochoc au travers d'un bouquin. J'avais découvert un auteur, mais plus encore j'avais trouvé un modèle pour ma plume en herbe.
Il s'agissait de Neverwhere, écrit par le fabuleux Neil Gaiman. L'explorateur curieux pourra fouiller les branches de mon arbre et retrouver la petite feuille ou j'évoque l'ouvrage et dans laquelle je le place à la première place de mon panthéon personnel. Malgré les autres découvertes et révélations de ces dernières années, le livre et son auteur sont restés indétrônables.
J'aime l'imaginaire de Neil Gaiman, j'admire sa connaissance encyclopédique des mythes et des légendes, je me prosterne devant son talent et la magie de ses contes de fées modernisés, puissants, dramatiques et oniriques. A l'instar des groupies face à la belle gueule d'un chanteur de variétés douçâtres, je perds toute raison devant mon romancier favori.
La parution d'un nouveau livre de sa plume est chose rare et imprévisible. Et soudain, au détour d'un rayonnage chargé de papier, je l'aperçois. Le désir monte alors et je me soumets docilement à l'acte d'achat, tel une preuve de ma soumission. Mes autres lectures en cours sont alors oubliées, délaissées, le temps que je comble ma soif.
Mais la gloire et l'estime ne reposent finalement que sur des Choses Fragiles, tel est le titre du dernier livre de Neil Gaiman que je m'apprête à critiquer.

Première constatation, il s'agit d'un recueil de nouvelles. J'avais adoré son premier recueil Miroirs et Fumées. Surtout, que mu par une sorte de d'égocentrisme de bon aloi, Neil Gaiman se fend toujours d'une préface à rallonge dans laquelle il présente ses textes. Petites anecdotes, réflexions sur la quête de l'inspiration, tranches de vie et parfois il révèle ses trucs de magicien, quelques recettes qui rendent ses textes exceptionnels. Lire la préfaces à postériori éclaire souvent les nouvelles d'une lumière originale, échauffe l'imagination, raccourcit la distance entre le créateur et ses fidèles.

Je me suis donc attelé à lire la première nouvelle, la rencontre entre le monde de la logique froide du célèbre Sherlock Holmes et les tentacules visqueux de H.P. Lovecraft. Si le texte est bon, j'avoue avoir été déçu de découvrir par la préface que le thème original et excitant n'était qu'une contrainte imposée d'un appel à texte.
La qualité des textes est inégale, elle oscille entre le moyen et le très bon. Si l'art du maitre transpire à chaque page, je n'ai pas trouvé trace de l'exceptionnel auquel j'étais habitué. Parfois Neil Ga
iman reconnaît avoir raclé les fonds de tiroirs, remplis de vieux textes non publiés et à peine remaniés afin de remplir le recueil.

Il reste quelques perles comme cette histoire de zombie, ces poésies pleines de rythme, autant de trouvailles qui me réjouissent et me confortent dans mon adoration pour le romancier. Peut-être suis-je partial ? Que je ne veux pas voir la flamme du talent qui s'étouffe ? Il n'empêche que je suis resté un peu sur ma faim.

Malgré tout, le moindre des brouillons de Neil Gaiman surpasse aisément les textes dont je me contente habituellement. Quand on est monté aussi haut, il faut du temps pour redescendre.


Comme mon voyage en train s'éternise, que ma pile de livre à critiquer reste conséquente et qu'il me reste encore un peu de batterie dans mon ordinateur et un peu d'encre dans mes stylos, je profite de ce billet pour faire une autre revue d'un espoir déçu.

Autre révélation littéraire de ces dernières années, j'avais trouvé avec Dennis Lehane un autre modèle d'écriture. Un génie sachant manier le verbe pour donner à ses personnages une profondeur que les hommes pourtant bien réels n'ont souvent pas, sachant manipuler l'intrigue pour toujours surprendre ses lecteurs, capable de ciseler des dialogues mémorables.

J'ai donc retrouvé avec beaucoup d'espoirs le duo de détectives qui m'avait ému avec Un dernier verre avant la guerre, je suis retourné le temps de quelques pages arpenter le bitume de Boston au travers d'une nouvelle enquête.
Avec Ténèbres, prenez-moi la main, nos détectives vont se retrouver mêlés à une vieille histoire de crimes en série dont le dossier va se rouvrir brutalement par de nouveaux meurtres. Le romancier explore un peu plus le passé de ses personnages qui sont beaucoup plus impliqués dans cette affaire qu'ils ne le prévoyaient. L'histoire est beaucoup plus sombre, plus violente mais finalement un peu facile.

J'ai été déçu, j'attendais du Dennis Lehane, j'ai trouvé un roman policier bon mais plutôt classique, une histoire qui surfe sur la vague toujours commerçante des Serial-Killer. J'ai trouvé un peu de surenchère gratuite, mais surtout je n'ai pas vraiment retrouvé ce sens de la répartie que possédaient les narrateurs, comme si eux non-plus n'y croyaient pas vraiment.

Encore une fois, j'ai été un peu déçu par rapport au potentiel de l'auteur, mais le livre reste quand même très valable. C'est juste que l'on espère toujours plus.

mardi, juillet 20, 2010

Songbird looking for happiness…

Nous autres les oiseaux nous contentons de peu, survivre à l’hiver, trouver de quoi manger, partager de tendres moments avec l’oiselle de nos rêves, échapper aux instincts ataviques des chats en maraude. Tout cela suffit à notre bonheur.
L’autre soir je m’étais égaré dans la douceur nocturne des soirées estivales lorsqu’un filet de musique se fit entendre. Attiré par les rythmes trainants et la beauté des accords mineurs, je remontais à tire-d’aile la mélodie à sa source, un groupe qui se produisait en plein air, attirant les oiseaux chanteurs dans mon genre, tel un phare au milieu de la nuit.
Du haut de ma branche, je profitais du spectacle et contemplais le paradoxe de l’humanité. Les musiciens swinguaient sur les notes bleues pour exprimer leurs peines et leurs malheurs, tandis que la foule se pressait pour danser. On prétend que passé les besoins prima
ires et vitaux, l’être humain ne recherche qu’une seule chose, le bonheur. Et le voila qui se dandine gaiement au spectacle étalé de la tristesse.
Avec orgueil, Laurent Gounelle intitule son prétendu roman l’homme qui voulait être heureux, mais n’est ce pas le désir de l’humanité toute entière ? Cette même humanité qui se complait dans la fange de son malheur ?
Je me suis fait offrir par hasard ce livre. Et donc je l’ai lu. Première constatation, si on le trouve au rayon des fictions, ce n’est qu’une ruse pour attirer le client, ce n’est pas un roman. La quatrième de couverture évoque Bali, l’un des derniers paradis terrestres, elle esquisse la rencontre initiatique entre deux mondes, celui du touriste désœuvré et celui du gardien de la sagesse.
Force m’est de constater que tout ceci n’est qu’un prétexte. Tout comme les vénérables textes de Platon présentaient de manière ludique les fondements de la philosophie classique, les rencontres avec le vieux guérisseur ne sont qu’un habillage pour véhiculer les leçons un peu désuètes du développement personnel.
S’il est un rayon que j’ai tendance à éviter dans les librairies c’est bien celui qui parle du développement personnel. En dépit de mes aspirations romanesques, j’ai malheureusement cessé de croire au père noël. J’aimerais y croire, j’essaie d’y croire mais je SAIS qu’il n’existe pas. Alors tous ces manuels qui prétendent en quelques centaines de pages donner un mode d’emploi pour résoudre les problèmes personnels, ça me laisse songeur. D’une part de telles entreprises me paraissent impossibles, mais surtout les auteurs de tels ouvrages me semblent plus attirés par l’argent que par le bonheur de leur prochain.
Et le livre de Laurent Gounelle me conforte dans mes opinions. Le propos oscille entre le fantaisiste et le gentillet mais un peu niais. La profondeur de la réflexion m’évoque la pataugeoire de la piscine municipale, on ne risque pas de s’y noyer, à moins d’avoir moins de trois ans.
Les pigeons ne sont pas de bons oiseaux chanteurs, ils sont trop crédules. Si l’aspect mercantile de les détrousser par des rêves comme L’homme qui voulait être heureux me chatouille un peu, je dois rester honnête et arrêter de tirer sur l’ambulance.
Même si le fond du propos de ce livre à savoir "quand on veux, on peux" reste simpliste, il est très positif. Il y a d’autres sujets plus valables pour s’indigner. Après tout, si cela agit comme un placebo et améliore la vie des gens qui y croient encore, pourquoi pas. De fait, le livre est très agréable à lire, les anecdotes et pensées du guérisseur m’ont parfois poussé à réfléchir. On s’identifie facilement avec le narrateur et l’on finit de bon cœur le livre.
Je ne le recommanderais certes pas à l’achat, sans pour autant condamner sa lecture. Les oiseaux aussi ont leurs paradoxes. Le concert est terminé, il est temps pour moi de rentrer au nid. Trouver le bonheur en compagnie d’une madame oiselle, probablement fâchée de me voir rentrer si tard.
Piou-piou got the blues !

vendredi, juillet 16, 2010

Un oiseau perdu le long du Mississipi

Ecrire pour ne pas oublier. Ne pas oublier ce blog que je délaisse, ne pas oublier cette pile qui n’attend que mes revues, ne pas oublier le frisson du poète lorsque le verbe s’ajuste, ne pas oublier d’entrainer ma plume devenue paresseuse, ne pas oublier ces projets qui s’entassent, ne pas oublier qu’écrire c’est vivre.
J’ai trop longtemps différé cette revue de lecture, laissant les mois effacer mes souvenirs, tels des vagues sur le sable mouillé de ma conscience. Qu’importe, je vais prendre mes aiguilles et puis broder, n’est ce pas le métier de l’écrivain ?

Je souhaitais évoquer Riverdream, un livre qui sent la sueur et les moustiques, la vase et le charbon, un livre qui prend pour cadre le Mississipi durant la grande époque des bateaux à vapeurs. J’avoue que ce n’est pas la toile de fond pourtant romanesque en diable qui m’a attiré, ni même la perspective avouée à demi mot dans la quatrième de couverture de retrouver des vampires à la conquête du nouveau monde. Non, je ne me suis fié qu’au nom de l’auteur, George R. R. Martin, celui-là même dont j’ai déjà dit tant de bien au sujet de son Trône de fer.
Pour couper court au suspens, si le romancier frise le génie dans sa saga médiévale, il se contente d’une mention passable pour le reste. Le livre décrit de manière assez prenante la vie le long du fleuve, rythmée par le passage des bateaux, signe d’une base documentaire riche, sans pour autant rendre la lecture pédante.

Après, le hic, c’est l’intrigue, ou plutôt l’absence d’intrigue. Dès la quatrième de couverture, le lecteur attentif aura flairé le thème de l’histoire. A savoir un mystérieux commanditaire qui fait affréter un bateau à un capitaine ruiné. Curieusement, ledit commanditaire pose en condition suspensive à l’accord, l’interdiction de le déranger pendant le jour, ledit commanditaire ne mange jamais avec les hommes du navire, ledit commanditaire à le teint pâle et une mémoire qui s’étale sur plus d’un siècle.
Tout le monde aura deviné qu’il s’agit d’un vampire. Non ? Tant pis pour vous, vous êtes à l’image du protagoniste principal, ledit capitaine ruiné qui refuse de comprendre l’évidence malgré les preuves qui s’accumulent.
Alors vous vous demandez pourquoi un vampire veut posséder son propre bateau et se promener le long du fleuve ? Moi aussi, je m’étais posé la question. Au risque de déflorer un secret de polichinelle, ledit vampire a trouvé le moyen de guérir ses frères de la malédiction qui les oblige à se nourrir du sang humain. Et il utilise le Mississipi comme navette pour répandre la bonne nouvelle dans le pays.
Mince comme intrigue, non ? Allez hop, j’en rajoute une autre, l’histoire du vieux vampire très très fort et très très méchant a qui ça plait de terroriser les pauvres humains en leur suçant le sang. Voilà vous savez tout, on passe 500 pages à attendre un ressort dramatique un peu plus consistant, peine perdue !

Dommage, car les personnages étaient intéressants et relativement bien campés. Dommage car George R.R. Martin aborde le mythe du vampire d’une manière assez originale et novatrice. Dommage car j’attendais franchement mieux de lui, avec son talent et ses bonnes cartes en mains, il se révèle bien mauvais joueur et ne rafle pas la mise.