Les extraterrestres existent. C'est comme à mon habitude lors d'une après midi pluvieuse, flânant entre les étagères débordant de mots figés sur le papier, à la recherche d'un raccourci vers l'imaginaire, que je l'ai rencontré.
Il était là, dominant fièrement les autres livres sur le rayonnage avec sa tranche noire et sa couverture intrigante et fractale d'Eric Scala. La Maison des feuilles de Mark Z. Danielewski, tel était le titre du livre. J'en avais bien sûr entendu parler sur internet.
Un objet étrange, un véritable roman interactif, une énigme pour le lecteur attiré comme le papillon par la bougie. La flamme m'a bien sûr brûlé et c'est en faisant chauffer la carte bleue que je repartis de la librairie l'ouvrage sous le bras.
Le début de ma lecture fût un émerveillement. Un emboîtement infini des poupées russes par les mises en abîme successives donne le vertige. Il est impossible de raconter l'histoire en deux mots, mais je tient quand même à essayer. Le roman nous raconte donc l'histoire d'un livre, La Maison des feuilles écrit par un mystérieux vieux bonhomme , un ouvrage qui se pose un essai critique d'un film, le Navidson Record, mi documentaire tourné par un photographe talentueux. Ce photographe nous présente sa maison dans laquelle il vient d'emménager et qui très rapidement se révèle étrange. Avec de nouvelles pièces et des couloirs qui apparaissent et qui défient les lois de la physique. La maison qui s'ouvre vers un univers radicalement ténébreux, succession de couloirs et de salles sombres, sinistres et vides dont la géométrie change perpétuellement et dont les dimensions sont infinies. Si le livre s'attarde souvent sur les détails de couleurs, de texture et de mise en lumière du fil, c'est pour le moins paradoxal étant donné que l'auteur fictif est aveugle.
L'histoire commence alors qu'un protagoniste, Johnny découvre ce livre à la mort (suspecte) du vieil écrivain et décide de le lire, puis happé par ses mystères, entreprends de l'annoter. On trouve donc entremêlées dans le livres ses notes personnelles qui relatent sa vie et la manière dont le livre s'empare de lui et lui fait découvrir le monde d'un oeil nouveau. Très rapidement, le passé du jeune homme se révèle également trouble et la folie le rattrape.
Et les mises en abîme ne s'arrêtent pas là, bien au contraire! Mais je ne peut révéler ici les autres éléments car ils pourraient gâcher la découverte du lecteur potentiel.
Ce qui est admirable et vraiment inhabituel, c'est qu'outre le fond, l'auteur (le vrai Mark Z. Danielewski) joue avec la forme. Outre le texte de l'auteur imaginaire, on trouve de fréquentes notes bibliographiques plus ou moins réelles ou pertinentes, les notes en bas de page de Johnny qui constituent parfois des chapitres entiers ou encore des remarques étranges de la part des mystérieux éditeurs. La mise en page est parfois fantasque, des passages sont barrés, des passages sont vides, le mot Maison est systématiquement coloré même lorsqu'il apparaît dans d'autres langues, des expressions sont soulignées ou italiques. Même dans la page, l'ordonnancement des mots devient vite facétieux, certains passages sont à lire dans un miroir, d'autres imposent fréquemment de retourner le livre dans tous les sens, certaines pages ne contiennent que quelques caractères alors que d'autres sont couvertes d'un texte qui dessine des motifs en ombres chinoises.
A vrai dire, je me suis même parfois demandé s'il ne fallait pas regarder certaines pages vides sous la flamme d'un briquet, des fois qu'ils ne dissimulent pas de l'encre sympathique.
Enfin bon, je pourrait passe des heures à énumérer toutes les bizarreries de ce livre.
A mesure que l'ont s'approche de la fin le texte devient de plus en plus difficile à comprendre et pénible. Des énigmes saupoudrent les dernières pages, comme dans cet endroit il il faut prendre la première lettre de chaque mot pour reconstituer le message, ou bien extraire du sens dans la disposition incongrue des majuscules.
C'est comme ça que j'ai terminé le livre, sur un sentiment désagréable et frustrant d'être passé à côté de la vérité, de ne pas avoir compris. Toutes ces choses restent qui sans réponses et finalement. Il faudra peut être que je le relise, mais pour l'heure je n'en ai pas le courage.
Mais il me reste quand même la sensation d'avoir vécu une expérience incomparable, d'avoir rencontré les extraterrestres tranquillement à bouquiner dans mon train. Quelle extase que ce roman d'horreur expérimental. Accrochez-vous, la Maison des feuilles n'attend plus que vous.
Un oiseau noyé sous les feuilles
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