samedi, mars 22, 2014

Au fond des caves des HLM on entend pourtant l'appel des Muezzins..

Un an est passé depuis ma dernière chronique.
Ce matin, j’ai reçu un pavé de bitume dans ma boite aux lettres. Du bitume noir et crasseux sur lequel quatre lettres à la craie, DAWA. Une invitation à rejoindre l’Islam ? Un sacré bordel ? Un peu de tout ça, mais il s’agit surtout du premier roman de Julien Suaudeau.

L’histoire commence sous le soleil de l’Algérie, à l’époque sombre de la guerre d’indépendance. Le narrateur y vivra une expérience traumatisante qui le fera rentrer en Corse et renouer avec la tradition de la Vendetta.
Les racines plongées dans le passé, le récit déploie ses branches dans le présent, dans l’actualité de ce début d’année 2014.

Le narrateur est sur le point de terminer sa carrière alors qu’il a enfin retrouvé se cible. L’objet de sa vengeance se cache dans les HLM de la cité des 3000 à Aulnay-sous-bois. Les choses ne sont pas simples dans les poudrières des cités et d’autres vengeances s’apprêtent à déchaîner la haine. Il faut faire sauter Paris et rappeler aux énarques que les enfants de la misère sont là.
Dawa nous fera visiter les caves obscures des HLM comme les salons feutrés des ministères. Si la république stigmatise et ne s’occupe plus des cités, elles ont trouvé d’autres anges protecteurs. La sécurité sociale s’est vue remplacée par la protection du grand banditisme, le réconfort du prosélytisme religieux ou les millions du Qatar.
Julien Suaudeau nous dresse un portait sombre et réaliste de ces personnages. Les jeunes qui tentent de survivre alors qu’ils n’ont pas d’avenir ou les intrigues de cours au sommet de l’état. Les méchants ne sont pas forcément ceux que l’on croit, les patrons maffieux tentent de préserver la stabilité, les intégristes ne sont présents qu’à titre d’épouvantails et le Djihad a changé ses manières.
Les histoires des protagonistes s’entrechoquent et font des étincelles. Cela donne une intrigue riche et mouvementée.

Il y a aussi la manière de l’écrire. On devine sous les pages l’exubérance artistique d’un premier roman. A trop vouloir en faire, il en fait justement trop. Les paragraphes sont trop riches d’images, elles ne se savourent plus. Pire, on perd parfois le fil de l’intrigue. On se retrouve à relire les mêmes phrases pour en comprendre le sens. L’antithèse de la littérature de gare, un livre à ne pas lire dans le RER du matin ou le métro bondé. Ne boudons pas trop notre plaisir, beaucoup de phrases font mouche et le roman est une mine de citations et d’expressions.

On ne trouve pas l’habituel avertissement fictionnel « Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite ». Et pour cause, les personnages du livre se divisent en deux catégories. Ceux que l’on nomme sont les protagonistes de la fiction. Et ceux que l’on désigne par leur fonction sont tirés de l’actualité, pire ils semblerait que ces quidams sont aux commandes de notre bonne république. C’est peut-être le principal défaut de ce livre. L’action se déroule avant le vendredi 13 mars 2014. J’écris cette critique une semaine plus tard et je peux affirmer que le 13 mars était un jeudi. Accessoirement, aucun des évènements qui sont racontés dans le livre ne s’est déroulé. Heureusement pour nous.
A trop jouer avec l’actualité et la politique fiction, le livre risque de se démoder bien vite.


En attendant, je suis content d’avoir été le témoin de la naissance d’un écrivain. Il y a trop de talent dans ces phrases pour ne pas penser aux livres à venir.

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