Un an est passé depuis ma dernière chronique.
Ce matin, j’ai reçu un pavé de bitume dans ma boite aux
lettres. Du bitume noir et crasseux sur lequel quatre lettres à la craie, DAWA.
Une invitation à rejoindre l’Islam ? Un sacré bordel ? Un peu de tout
ça, mais il s’agit surtout du premier roman de Julien Suaudeau.
L’histoire commence sous le soleil de l’Algérie, à l’époque
sombre de la guerre d’indépendance. Le narrateur y vivra une expérience
traumatisante qui le fera rentrer en Corse et renouer avec la tradition de la
Vendetta.
Les racines plongées dans le passé, le récit déploie ses
branches dans le présent, dans l’actualité de ce début d’année 2014.
Le narrateur est sur le point de terminer sa carrière alors
qu’il a enfin retrouvé se cible. L’objet de sa vengeance se cache dans les HLM
de la cité des 3000 à Aulnay-sous-bois. Les choses ne sont pas simples dans les
poudrières des cités et d’autres vengeances s’apprêtent à déchaîner la haine.
Il faut faire sauter Paris et rappeler aux énarques que les enfants de la
misère sont là.
Dawa nous fera visiter les caves obscures des HLM comme les
salons feutrés des ministères. Si la république stigmatise et ne s’occupe plus
des cités, elles ont trouvé d’autres anges protecteurs. La
sécurité sociale s’est vue remplacée par la protection du grand
banditisme, le réconfort du prosélytisme religieux ou les millions du Qatar.
Julien Suaudeau nous dresse un portait sombre et réaliste de
ces personnages. Les jeunes qui tentent de survivre alors qu’ils n’ont pas
d’avenir ou les intrigues de cours au sommet de l’état. Les méchants ne sont
pas forcément ceux que l’on croit, les patrons maffieux tentent de préserver la
stabilité, les intégristes ne sont présents qu’à titre d’épouvantails et le
Djihad a changé ses manières.
Les histoires des protagonistes s’entrechoquent et font des
étincelles. Cela donne une intrigue riche et mouvementée.
Il y a aussi la manière de l’écrire. On devine sous les
pages l’exubérance artistique d’un premier roman. A trop vouloir en faire, il
en fait justement trop. Les paragraphes sont trop riches d’images, elles ne se
savourent plus. Pire, on perd parfois le fil de l’intrigue. On se retrouve à
relire les mêmes phrases pour en comprendre le sens. L’antithèse de la
littérature de gare, un livre à ne pas lire dans le RER du matin ou le métro bondé.
Ne boudons pas trop notre plaisir, beaucoup de phrases font mouche et le roman
est une mine de citations et d’expressions.
On ne trouve pas l’habituel avertissement fictionnel « Les
personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute
ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne
saurait être que fortuite ». Et pour cause, les personnages du livre se
divisent en deux catégories. Ceux que l’on nomme sont les protagonistes de la
fiction. Et ceux que l’on désigne par leur fonction sont tirés de l’actualité,
pire ils semblerait que ces quidams sont aux commandes de notre bonne
république. C’est peut-être le principal défaut de ce livre. L’action se
déroule avant le vendredi 13 mars 2014. J’écris cette critique une semaine plus
tard et je peux affirmer que le 13 mars était un jeudi. Accessoirement, aucun
des évènements qui sont racontés dans le livre ne s’est déroulé. Heureusement
pour nous.
A trop jouer avec l’actualité et la politique fiction,
le livre risque de se démoder bien vite.
En attendant, je suis content d’avoir été le témoin de la
naissance d’un écrivain. Il y a trop de talent dans ces phrases pour ne pas
penser aux livres à venir.
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