vendredi, mars 07, 2008

Un oiseau Grenoblois...

On la surnomme la capitale des Alpes. C'est vrai que pour la France il n'y a guère qu'Annecy qui pourrait rivaliser à ce titre. Si la ville est très agréable à vivre et économiquement très active, elle est surtout merveilleuse pour stimuler l'imaginaire. Voici donc mon petit carnet de notes au cas où j'écririais un jour une histoire basée à Grenoble.

Derrière la carte postale fameuse qui présente le téléphérique avec ses petites cabines rondes, les oeufs comme les surnomment les Grenoblois, aux abords de l'isère qui s'écoule indolente, sous la vieille cathédrale notre dame et dans les montagnes enneigées bien des secrets, des passions et des conflits couvent.

Tout d'abord il y a les gens. Après avoir vécu une grande partie de ma vie en région parisienne ou à proximité des grands centres universitaires, c'est à Grenoble que j'ai découvert le sens du mot cosmopolite. Dans cette ville on croise les ethnies, les peuples et les communautés les plus diverses. Un détour dans n'importe quelle grande surface permet de s'en rendre compte. Je ne pourrais jamais terminer une liste de toutes les nationalités que j'ai pu apprendre à connaître en quelques années. On peut cependant remarquer que l'une des communautés les plus importantes est celles des Italiens et des Siciliens, mais j'y reviendrais plus tard. Malgré une certaine froideur au premier abord et la haine ordinaire pour tous ces 'étrangers', les pauvres du sud de la ville qui viennent piquer le travail aux braves Français, mais aussi les riches dans la vallée du Grésivaudan qui font monter les prix. La plus large part de la population est jeune et ouverte d'esprit. A bien y réfléchir les purs Grenoblois installés dans la région depuis plus de deux générations que je connais se comptent sur les doigts d'une main. Grenoble, une ville de passage et de mélange par excellence.

Géographiquement, la ville se compose comme cela.
Au nord on trouve les quais de l'Isère, une bande étroite de terre entre l'eau et la montagne surplombée par la forteresse de la Bastille. Cette zone interpelle le visiteur de passage car le long de la petite route, les pizzerias sont accolées les unes aux autres. Je ne les ai jamais comptées mais on dépasse facilement la dizaine, amassées au même endroit. Elles sont pour la plupart ouvertes tous les soirs, mais la cuisine est médiocre. Apparemment il existe d'autres raisons qui justifient leur présence, de là à envisager un scénario maffieux de blanchiment d'argent il n'y a qu'un pas, facile à franchir. Surtout qu'une dizaine d'années plus tôt, la ville était tristement célèbre pour ses règlements de compte en pleine rue. Une copine a même assisté à une fusillade juste sous ses fenêtres.
Comme je l'ai déjà dit, il y avait beaucoup d'Italiens en ville. Je me souviens notamment d'une soirée très sympathique au milieu d'une assemblée de Siciliens, entre les guitares, les chants et les éclats de voix, je me serais cru dans un film. On célébrait les trente ans d'une amie et les moeurs de la famille traditionaliste et religieuse m'ont impressionné. La fille en question, mariée avec un enfant fréquentait plus qu'assidûment l'église. Quand à ses deux soeurs, dévôtes elles aussi, célibataires et dotées d'un physique à se damner se réservaient pour le mariage (moi qui croyait que ce genre de chose n'existait encore que dans les livres). Bon techniquement vu que ces braves gens étaient de confession protestante, cela exclue de facto une quelconque appartenance à l'honorable société. Il n'empêche que cela stimule l'imaginaire.

Le sud de la ville coincé le long de la rocade présente les anciens quartiers olympiques ou la plupart des immeubles ont été recyclés à la va vite pour fabriquer à tour de bras du logement social avec les résultats déplorables de ghetto que l'ont imagine. Des bandes violentes se sont créées, comme les événements de l'an passé l'ont encore prouvé. Il est presque souhaitable que le grand banditisme persiste en ville, cela tempère les ardeurs. On trouve par la bas de véritables zones franches, des rues où l'ont craint de s'aventurer même en plein jour. Des rues ou des bâtisses sont écroulées sur l'asphalte de la route, ou les débris de voitures brûlées restent sans que personne ne se préoccupe de les enlever. Ce genre d'endroits ou personne ne vous entendra crier.
Si l'on descend encore un peu vers le sud (la fameuse route Napoléon qui mène à Gap, Sisteron) on arrive dans les usines chimiques de Pont-de-Claix qui défigurent le paysage mais aussi produisent du Chlore, de la Javel et autres joyeusetés (vous voulez du phosgène par exemple, y en a aussi). Le plus drôle là dedans c'est qu'il y a de nombreux merdoduc non protégés et pas vraiment entretenus pour transporter ces substances hautement toxiques sur des kilomètres. Les explosions et autres accidents plus ou moins graves sont monnaie courante dans le coin. Enfin bref, à côté du sud de Grenoble, AZF fait figure de dînette pour enfants.

A l'ouest de la ville (sur la route qui vient de Lyon), coincée entre le le Drac et l'Isère on trouve la fameuse zone de recherche Minalogic sur les nanotechnologies, les biotechnologies et les technologies pour la santé à la pointe de la recherche mondiale. En survolant la ville, on remarque bien le site grâce à son accélérateur de particules, le synchrotron et son anneau caractéristique. Le commissariat à l'énergie atomique a entrepris cette reconversion de la recherche vers les nanotechs et la santé que très récemment. Il y avait dans le parc six installation nucléaire de base (INB) qui ont commencé leur démantèlement depuis 2006 seulement (le site doit être assaini pour 2012). Pour alimenter encore un peu les inquiétudes scientifiques, on trouve aussi à Grenoble une partie du laboratoire P4 de Lyon (ce labo chargé de travailler sur les virus les plus dangereux de la planète).

A l'est de Grenoble, on change d'univers. D'un côté de l'Isère, le campus universitaire et la ville communiste de Saint Martin d'Hères (seconde ville du département). De l'autre côté se trouvent les quartiers riches, l'immense centre hospitalier universitaire et adossées à la Chartreuse, les demeures des nantis. On trouve aussi la plupart des acteurs majeurs de la recherche sur les nouvelles technologies de l'information dans ce début de la vallée du Grésivaudan (vallée qui file vers Chambery et Albertville). On surnomme d'ailleurs cette zone la Silicon Valley Française. Tel la marée, l'économie monte et descend dictant notamment les différentes folies spéculatives (bulle immobilière par exemple, marché de l'emploi, salaires). Une récession aurait des conséquences désastreuses sur toute l'économie de la région.

Le centre ville, je ne m'y attarderais pas trop. Il faut le dire tout net, la ville est assez laide. Mais les très nombreux parcs et squares permettent d'y vivre très agréablement. Sans compter que comme le disait Stendhal, au bout de chaquee rue, une montagne. Parlons-en des montagnes, car elles sont remarquables. En à peine quinze kilomètres autour de la ville les routes s'arrête et la nature redevient sauvage. A l'ouest, on trouve les Hauts plateaux du Vercors, terres rocailleuses et arides, ses gorges 'profondes', ces glaciers souterrains et ses grottes. Haut lieu de la résistance, berceau de l'alpinisme et de l'escalade ou plus récemment lieu du barbecue de l'ordre du temple solaire. Au nord, la Chartreuse, massif verdoyant et bucolique qui à donné son nom à l'ordre des pères Chartreux (et accessoirement au digestif fabriqué par lesdits curetons). Au sud est, on trouve Belledonne, un massif au caractère alpin plus marqué, les sommets atteignent presque les trois milles mètres. On y trouve des glaciers et et des lacs d'altitude. Il existe bien des fameuses légendes sur les lacs du Dauphiné. Je pourrais évoquer notamment du fameux lac noir et de son îlot central qui émerge les années de sécheresse. Quiconque pose le regard sur cette île perd la vue selon le mythe. J'y ai notamment fait une ballade dans l'été 2003, je n'ai pas vu d'îlot.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur Grenoble, mais mes idées s'emmêlent. Je vais donc terminer par une liste à la Prévert de petites choses qui ont marqué mon imaginaire comme source d'histoires...

On m'a prétendu un jour que Grenoble était une ville soumise aux sept risques majeurs. Je serais incapable de dire ce que ça veux dire mais c'est vrai qu'à y réfléchir la catastrophe menace. C'est une zone sismique. La configuration des vallées permet d'y créer des tempêtes violentes. J'ai évoqué à mi mot les risques liés au nucléaire, à l'activité biologique ou aux accidents chimiques. Mais il y a aussi le risque d'inondation, Grenoble étant une ville remarquablement plate et de basse altitude elle est entièrement en zone inondable (les crues de l'Isère ou bien les nombreux barrages hydroélectriques pourraient mener au drame). Bien entendu la région montagneuse est régulièrement sujette aux éboulements et autres coulées de boue. Et bien sûr il y a la pollution. La ville est dans une cuvette, les usines rejettent pas mal et Grenoble représente un carrefour naturel. L'été, les conditions anticycloniques favorisent les couches d'inversion à basse altitude et au dessus de la ville se dessine une sorte de smog, particulièrement visible en montagne. La ville est donc polluée, c'est vrai. Une légende urbaine la présente comme l'une des plus polluée d'Europe, c'est faux (tout ceux qui seront par exemple allés à Athènes peuvent le démentir). L'anecdote veut que ce fût l'une des premières villes à voir son niveau de pollution observé par des capteurs. Parmi l'échantillon des trente villes observées à l'époque, c'était vrai et cette sinistre réputation lui est restée.

Il fait très chaud l'hiver et très froid l'hiver. L'été, c'est proprement invivable (c'est l'époque ou l'on est content de retrouver la fraîcheur climatisée des bureau en allant au boulot). Le temps varie de manière très brusque. L'avantage c'est qu'il fait le plus souvent beau dans la région (sans compter le nuage de pollution au dessus de la ville bien sûr).

Grenoble était encore il y a peu une position stratégique comme l'atteste les nombreux forts abandonnées qui protégeaient la ville (dédales de couloirs obscurs taillés dans la pierre pour l'immense fort de la Bastille, le fort du St Eynard, etc.) La présence militaire dans la région reste encore assez forte. Armées de terre et de l'air principalement.

On pourrait se pencher sur l'histoire de la ville, mais j'avoue ma profonde inculture en la matière. Mis à part bien sûr l'invention de la manif le 7 juin 1788 (si de nos jours on cherche la plage sous les pavés, à cette époque là les CRS recevaient des tuiles, ça doit faire mal aussi) avec le résultat que l'on sait. L'église et la crypte Saint Laurent (vestiges archéologiques des rites funéraires datant de l'antiquité, église carolingienne et cie) est l'un des premier monuments historiques classé. Sous la cathédrale notre-dame, on trouve les restes de l'ancien palais des évêques et d'un baptistère du début de l'ère chrétienne. On trouve aussi des marques des anciens remparts de la ville romaine, des vestiges de la bourgade gauloise de Cularo. Bien d'autres secrets sont enfouis dans les dédales des rues du centre ville. Je me souviens notamment avoir aperçu en ville une tour carrée moyenâgeuse, mais une fois en ville j'ai constaté que cette tour était à peine visible de la rue et impossible à atteindre car au milieu d'un paté de maison dense et infranchissable(étrange pour un monument historique).
Si un historien passe par ici, j'aimerais bien qu'il m'éclaire sur les rapports entre le dauphin et la ville. C'est l'emblème de la région (le "dauphiné" vient de là) et de Grenoble. C'est de là que vient aussi que vient le titre des anciens seigneurs de la région et la désignation habituelle de l'héritier du trône. Pourtant on ne peut pas dire qu'il y a beaucoup de dauphins dans l'isère, le drac ou bien les lacs de montagnes.

Je pourrais aussi évoquer les rapports qu'entretient la jeunesse avec les substances psychotropes. C'est amusant de constater lorsque l'on s'écarte un peu des sentiers battus en montagne de trouver des plans de chanvre indien pousser de manière plus ou moins domestiquée. Ou encore ces hordes d'étudiants barbus et chevelus qui trouvent que l'automne est une bonne saison pour les champignons, surtout le genre des psilocybes très courants dans Belledonne.

Enfin bon bref, je me fait long. Il est temps de conclure. Même si je n'ai jamais eu le temps de maitriser un tel scénario, Grenoble est à mon avis un bon cadre pour des aventures contemporaines. Maffieux, sombres secrets et rituels homicides, survival horror et catastrophes plus ou moins préméditées vous attendent.

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