On le qualifie de joli ce mois de mai, les fleurs qui s'épanouissent, les jours qui rallongent et le soleil printanier qui sème la joie sur nos visages. La joie du mâle qui se régale des jupes courtes qui fleurissent sur les trottoirs, la joie de la femelle qui peut épuiser les défenses naturelles de sa peau en l'exposant aux ultraviolets.
Cette année point de mini jupes ou de bronzage à croquer. Le joli moi de mai a ramené sa suite grisaillante de nuages sombres, d'orages et de pluies impromptues pour calmer les ardeurs incendiaires des premiers barbecues dominicaux.
Du coup, moi qui me régalait d'une accalmie professionnelle pour retourner caresser les nuages sous ma bâches multicolore ben je suis resté au travail et j'ai pu profiter des longues pauses ferroviaires pour lire un peu.
Mon compagnon des transports ce mois ci s'appelle Le Complot contre l'Amérique de Philip Roth. Je viens de le terminer ce matin, et alors que je m'apprête à en faire une petite critique, je m'aperçois que je n'ai pas grand chose à en dire, ni en bien ni en mal. Quel ennui à la mesure de la météo extérieure.
Non que l'on s'ennuie particulièrement en lisant ce livre, juste qu'au final on en retire pas grand chose. Si ce n'est c'est ce sentiment diffus d'avoir été floué, trahi par l'auteur qui nous promet une autobiographie de sa petite enfance. En effet, l'autobiographie n'est qu'un prétexte pour mettre en place une uchronie magistrale sur les années 40 dans les états unis d'Amérique. On y découvre le destin des juifs d'Amérique dans l'enfer d'une victoire présidentielle du célèbre aviateur Charles Lindbergh vainqueur de la première traversée de l'atlantique en solitaire. L'aigle solitaire n'est en fait qu'un antisémite virulent et isolationniste, ce qui au passage après quelques vérifications est absolument vrai. Il remporte donc les élection de 1940 face à Roosevelt sur la promesse de tenir les Etats Unis à l'écart du conflit sanglant européen. Sitôt élu, il tient sa promesse en signant des pactes de non agression avec Hitler et l'empereur Japonais. Mais cette paix relative se fera au prix d'une terrible trahison envers les communautés juives.
Fort heureusement (ou pas) le livre n'est pas trop contaminé par cette noirceur, il expose les jeunes années de l'auteur, gamin juif dans ce contexte difficile. Mis à part à la toute fin du livre, les juifs ne font gère l'objet des atrocités qui sévissent en Europe. Point de pogrom en vue au pays de l'oncle Sam, juste une banalisation de l'antisémitisme et une réduction progressives des droits de l'homme, enfin surtout des droits des enfants d'Israél.
La famille de l'auteur fait face aux évènements dans une révolte tranquille et continue de vivre sa vie alors que l'étau se resserre autour de leur libertés. Une des choses qui m'a marqué, c'est l'intelligence et le recul impossible du narrateur. On veut bien que le gamin soit doué et que la guerre fasse grandir plus vite, mais l'auteur fait preuve d'une sagesse qu'on ne rencontre même pas chez la plupart des adultes.
J'imagine que de l'autobiographie, Philip Roth à tiré suffisamment d'éléments pour donner un ton vrai à son histoire. Il a entremêlé une réalité documentée et une analyse redoutable de son époque,
à des hypothèses probables sur le comportement des personnages publics impliqués tout en dissimulant les ingrédients piquants de la pure fiction. A tel point que j'en ai douté de mes maigres connaissances de l'histoire américaine et que j'ai vérifié, deux fois (plus une troisième dans les annexes du livre) que non, Lindbergh n'avait jamais été président des états unis.
Au final, c'est je pense un bon roman, bien écrit mais sans être exceptionnel. L'uchronie qu'on nous présente est crédible. La psychologie des personnages est riche et complexe. On en découvre beaucoup sur la vie et l'histoire des états unis d'Amérique et la vie dans les années 40 et aussi sur la condition juive.
Mais bon, voilà, je n'ai pas plus accroché que cela. C'est long, ça manque parfois de rythme, ça ne prend que rarement aux tripes, les références historiques des faits et gestes des personnages de l'époque me sont trop inconnus pour démêler le vrai du faux. Fort heureusement, Philip Roth nous livre ses sources en annexe , il nous brosse la vie réelle des personnages existants et nous dépeins un autre visage de Charles Lindbergh au travers de ses discours dans America First (groupuscule antisémite et isolationniste ayant eu quelque succès au début des années 40).
Hop, voilà que je laisse la sérieuse Côte Est des années 40 pour traverser l'Amérique en attaquant les années 70 sur la Côte Ouest avec les Chroniques de San Fransisco d'Amistead Maupin. Changement radical d'univers. J'espère que maintenant que mai est parti, le soleil pourra revenir.
Un oiseau sous la pluie.
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