S’il est un domaine ou la curiosité des sens et le libertinage élèvent l’esprit, c’est bien la littérature. Le lecteur avisé prendra soin de sortir des sentiers battus par des plumes que le succès a rendu paresseuses. Je ne suis pas de ceux là. Lorsque le poète m’a séduit, il m’enchaîne à son oeuvre. Je vois bien lorsque les sagas s’étirent dans la longueur, lorsque la créativité s’assèche. Victime consentante, je me laisse entraîner dans les profondeurs d’une nuit éternelle que la qualité ne vient plus illuminer. C’est plus fort que moi, je veux retrouver le destin des personnages que j’ai appris à aimer, je continue de suivre leurs aventures désormais cousues d’un fil grossier quand elles ne sont pas devenues burlesques.
Il m’est bien difficile de me détacher des boulets de mes amours passés. Il me suffit de songer aux chroniques d’Anne Rice, à l’égarement de la compagnie noire, à l’assassin royal boudeur pour maudire le mauvais goût obstiné qui me pousse à engraisser les rentes de leurs créateurs.
Il arrive cependant que la fidélité soit récompensée. Certains auteurs prennent le parti de ralentir la cadence lorsque la qualité décroît pour ne garder que le meilleur. Le livre dont je vais vous parler s’inscrit dans cette logique vertueuse. J’ai l’impression d’assister à la naissance d’une légende, chaque livre que j’achète jalonne une œuvre immortelle. Malheureusement, l’avenir est comme une catin traîtresse. Elle promet beaucoup et ne rend pas en conséquence. J’espère donc être dans le vrai lorsque je vais vous louer la saga du trône de fer de G.R.R Martin. J’ai acheté le dernier tome paru, un festin pour les corbeaux et une fois de plus je me suis régalé.
C’est difficile de commenter un tel livre car pour lui rendre sa juste valeur il faudrait présenter l’intégralité de la saga. Chose impossible tant l’œuvre est riche et touffue. Le trône de fer, traduction malheureuse de A song of ice and fire raconte l’histoire du royaume imaginaire de Westeros. C’est un monde médiéval fantastique sombre et violent qui s’enfonce inexorablement dans la guerre civile.
Il est important de pointer malgré mon attachement pour les littératures de l’imaginaire, ce qui a été commis sous l’étiquette moderne du médiéval fantastique relève la plus souvent de la fange. Rares sont les exceptions à mes yeux, même le vénérable seigneur des anneaux ne subsiste dans mon palmarès qu’en sa qualité de précurseur. Il me semble m’être déjà appesanti sur les clichés insupportables du genre.
Avec le trône de fer, point de prophétie séculaire ni de groupe d’aventuriers improbable, encore moins le sempiternel voyage initiatique d’un gamin insupportable. Non, l’époque baigne dans l’ignorance crasse et les craintes superstitieuses, les protagonistes ne sont pas très nombreux à survivre à la voracité brutale des nobles et leurs jeux de pouvoirs. Si l’action se concentre dans les premiers tomes sur le destin d’une famille noble aux idéaux chevaleresques. Très rapidement, la faucheuse agite son sablier, la famille éclate dans le sang et le malheur tandis que le royaume sombre dans une guerre de succession impitoyable. On s’attache petit à petit aux survivants, qu’ils soient bons ou malveillants, courageux où comploteurs. On apprends avec eux à découvrir les différents partis en présence ou le blanc et le gris se fondent dans les lueurs changeante d’une mer grisâtre. Je n’ai jamais vu une telle galerie de personnages, tous si vivants dans la profondeur de leur caractère et de leur vécu.
Il existe 12 tomes traduits en Français à ce jour (étrangement l’œuvre originale contient quatre tomes et a été découpée par les éditeurs Français sous les auspices de la rentabilité économique). L’auteur prend son temps écrire et parfois on se trouve pendant plusieurs années sans rien avoir à se mettre sous la dent. Et dès lors qu’un nouveau tome apparaît nous voilà replongé dans l’histoire tumultueuse des sept couronnes. G.R.R Martin atteint le génie lorsqu’avec quelques pages ils nous remémore l’histoire passée dans toute sa richesse et nous entraîne encore et encore sur de nouvelles pistes, défriche de nouveaux thèmes, et nous présente des problématiques insoupçonnées.
Enfin bref, avec le festin pour les corbeaux, j’ai repris une dose et c’est toujours aussi bon.
L’autre défaut de ces histoires qui durent dans le temps c’est que lire est beaucoup plus rapide qu’écrire. Et que la lecture de ce dernier tome a provoqué en moi un tel manque que je me suis empressé d’acheter une compilation de deux nouvelles du même auteur, dans le même univers. Quelques centaines d’années plus tôt on suit les aventures du Chevalier errant et de l’épée lige. On ne retrouve point la grandeur et le souffle épique de la saga du trône de fer, juste l’histoire d’un chevalier, véritable chronique moyenâgeuse transposée dans l’univers de Westeros. C’est très agréable à lire et le côté optimiste de ces histoires a quelque chose de rafraîchissant dans cet univers sombre et brutal.
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