Un emploi du temps trop bien rempli occupe mes pensées. Ces derniers mois, exhumer des revues de lecture tient plus de l’archéologie que de la critique littéraire. Pour retrouver les souvenirs enfouis de tel ou tel livre, je dois plonger dans le lagon improbable de ma mémoire pour y pêcher des réminiscences aléatoires. L’exercice se révèle frustrant et difficile alors je retarde le moment, malheureusement le temps qui passe complique encore la corvée. Me voilà donc face à l’un de ces livres duquel ma mémoire peine à retrouver les bons et les mauvais souvenirs. L’écharde est profondément enfoncée, ce sera plus douloureux à extraire. Si j’attends encore ce sera pire. Alors je prends une bouteille de whisky, pour désinfecter, un scalpel bien aiguisé et je découpe en serrant les dents.
Depuis H.G Wells, le voyage dans le temps a toujours été l’un des thèmes les plus abordés de la science fiction. La problématique sous jacente est une mine de paradoxes et de bases philosophiques pour les conteurs. René Barjavel aborde le thème en précurseur avec l’histoire d’un voyageur imprudent.
Le narrateur est improbable. Mathématicien de talent entraîné dans les douleurs de la plus grande tuerie qu’ait connu le siècle dernier. Le roman s’ouvre sur une débâcle militaire au milieu de la guerre. Le hasard irritant d’un deus ex machina qui s’invite dès les premières pages en organisant la rencontre du mathématicien nommé Pierre Saint Menoux et de son mentor, le physicien Noël Essaillon. Comme la coïncidence n’entraîne aucune pudeur chez l’écrivain, St Menoux est justement l’homme qui par ses commentaires dans les revues scientifiques a soutenu les travaux de l’inventeur et lui a permis de découvrir une substance pour voyager dans le temps. Mis à part cette contribution essentielle, Saint Menoux se contentera d’assister le savant en explorant pour lui les méandres du temps, son esprit scientifique définitivement abandonné dans la suite du récit.
Au beau milieu du roman, le narrateur s’enfonce dans un futur très lointain, 100 000 après notre ère pour découvrir une société idéale ou l’individu a disparu pour se fondre dans une collectivité d’êtres spécialisés. L’expérience finira par coûter la vie de son mentor. Saint Menoux, livré à lui-même accumulera alors les maladresses qui finiront par causer sa perte.
La scène finale présente aux habitués du genre un air de déjà vu tant le thème a été rebattu depuis. Il m’en coûte mais je n’en dirais pas plus pour ne pas gâcher la surprise d’un lecteur moins blasé. Il y a beaucoup de facilités dans l’histoire, joie des paradoxes temporels qui permettent au créateur fatigué de justifier beaucoup sans efforts.
M’est avis qu’en dehors de sa qualité de précurseur le livre reste tout à fait dispensable.
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