Quelques tonnes de pétrole pour m'essuyer les pattes sur l'atmosphère crasseuse de notre petite planète bleue. Je fais partie de ces oiseaux qui ne peuvent pas voler, de ces humains qui s'entassent dans des boites de conserve projetées à grands frais dans les airs, de ces parasites pour qui l'avion est un transport trop commun. Que voulez-vous, les années passent et l'exceptionnel devient banal, les routines s'installent. Comme cette manie qui me reprend à chaque fin d'année. Tel l'oiseau migrateur, je fuis à l'approche des glaces hivernales pour retrouver la douceur des chaleurs australes. Je quitte la métropole pour voir si la nouvelle année se présente mieux le long des plages de sable blanc. 2009 s'est couchée dans les flots clairs de l'océan indien.
Malheureusement, le rêve se monnaye cher de nos jours. C'est ainsi que des contraintes pécuniaires et un rendez-vous de travail pénible m'ont imposé un retour aux premières heures du premier janvier. Quelques heures dans le sas pressurisé d'un Boeing pour perdre le soleil et une bonne quarantaine de degrés. J'ai retrouvé mes montagnes, habillées pour l'hiver dans leurs fourrures de neige et de glace, mais surtout le froid mordant d'un hiver 2010 qui restera dans les annales. Le cliché populaire évoquerait un froid de canard, image curieuse pour un oiseau migrateur qui a le bon goût de rester au chaud pendant la saison froide. Me voilà à troquer bermuda et maillot de corps contre un épais manteau fourré par les plumes douces du pauvre volatile.
On se console par la beauté des extérieurs. La neige et la glace figent les paysages dans la pose esthétique d'une nature morte. Le temps même semble gelé par le froid qui ralentit tout, jusqu'au neurone d'un oiseau trop bavard. Je profite donc du redoux de température pour dégivrer mes revues de lecture.
J'étais en retard, effrayé par cette pile de livres à commenter. Je suis maintenant au delà, à consulter cette liste en étranger, me demandant qui a bien pu lire tout ça.
Il parait que j'ai lu un livre intitulé Le magasin des suicides d'un certain Jean Teulé, en octobre je crois. Ah, voilà que je m'en souviens maintenant. Au détour de la corvée hebdomadaire des courses, entre une brique de lait et du liquide vaisselle, j'avais noté qu'il manquait de la lecture. Comme pour tous les autres articles de cette liste, j'ai choisi un "livre", tiraillé entre les appâts colorés du marketing et un prétendu rapport qualité/prix.
Ah, le voila ! Une couverture jaune fluo pour attirer l'œil, un titre racoleur, et surtout un prix dérisoire, probablement dû à la minceur de l'ouvrage.
J'ai honte mais je confesse également qu'un goût douteux et un certain humour noir ont guidé mon acte d'achat. En effet, mon employeur sous ses atours colorés se complaisait à presser l'orange, excitant le voyeurisme morbide de l'opinion publique par un tsunami dévastateur de suicide. Me voilà donc dans le train, couvert de vêtements sponsorisés par mon employeur à lire cet ouvrage au titre sulfureux. J'ai dû en choquer pas mal.
Consternant ? Détestable ? Pitoyable, comme attitude me direz-vous. Au moins cela me faisait rire et dans le climat morose qui régnait, cela faisait un bien fou.
Du reste, cela n'a pas duré longtemps. Le livre est très court et cela tombe bien, il est passablement mauvais. Derrière le pitch malsain et racoleur d'une famille gagnant ça vie en commerçant la mort ou plutôt les milles-et-un moyen de mettre fin à ses jours se trouve un livre creux. Un prétexte que se donne l'auteur pour aligner les jeux de mots et les éclaboussures grasses d'un humour noir mais surtout lourdingue. Il dépeint un monde ravagé par les catastrophes écologico-politico-absurdes dont le seul moyen d'évasion reste la mort. Même si une telle entreprise ne favorise pas la fidélisation du client, le petit commerce reste florissant. Des chrysanthèmes probablement! Dans ce petit monde désespéré va survenir une étincelle de joie, d'espoir. Le petit dernier, la honte de la famille persiste à voir la vie en rose. C'est mauvais pour le commerce.
Contre toute attente, le bonheur deviendra contagieux. Et sans aucun remord, je révèlerais qu'au final ce sont les bons sentiments teintés de mièvrerie qui triompheront.
On ne trouve rien dans ce livre, même pas une dénonciation, ou une problématique à creuser. Juste une pile de feuilles dans lesquelles l'écrivain s'amuse, pas le lecteur.
A éviter donc. Aux amateurs du genre, je conseillerais plutôt de dénicher les Idées noires de Franquin, duo de bandes-dessinées devenues cultes.
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