lundi, novembre 01, 2010

Du sang et du sexe pour vider une étagère trop remplie

Il est temps de vider ma pile de livres à commenter, l’étagère commence à céder. Je vais donc y aller par lot. Votre serviteur, Stakhanov survitaminé dans le petit matin gris et froid s’apprête à vous critiquer non pas un ni deux, ni même trois livres. Non, la présente chronique s’attaque à l’Everest, en face nord et sous la tempête. J’ai face à moi cinq livres, je pars chercher la frontale, le piolet, les crampons et je reviens...

... Me revoilà. Le thème qui relie les cinq ouvrage n’est pas l’alpinisme ni la montagne. Je trouvais juste la métaphore sympa. Et vu que je ferais un mauvais bonimenteur, j’avoue que parmi les livres que je m’apprête à commenter, il y en a quatre qui forment la même saga. Du coup je vous fais un prix de groupe.
Le point commun de ces histoires, c’est une vision de la France médiévale, torturée par les névroses de leurs auteures respectives.
Le sang et la sueur des guerriers pour Mary Gentle et son livre de Cendres, le sexe et les secrets pour Jacqueline Carey et sa marque de Kushiel. Comme quoi littérature écrite par des femmes ne rime pas forcément avec littérature féminine.

On va commencer par se salir un peu les mains avec la guerre. Le livre de Cendres est constitué de quatre romans et nous raconte la destinée de Cendres, jeune capitaine d’une troupe de mercenaires. Le personnage est improbable, faible femme à diriger une bande de brutes machistes, alcooliques et violentes. Ses compétences sur le champ de bataille, tant stratégiques que guerrières, lui assurent pourtant l’autorité naturelle qui manque à son sexe.
Nous sommes à la fin du 15ème siècle et l’Europe occidentale est déchirée par les conflits entre les seigneurs de guerre. Entre le royaume de France et d’Angleterre, le saint Empire Germanique et le compté de Flandre et tant d’autres à l’image du duché de Bourgogne les guerres se déclarent, les alliances et les frontières se déplacent au gré des saisons. L’échiquier régionaliste est complexe et fluctuant, véritable aubaine pour les compagnies de mercenaires, toutes prêtes à se vendre au plus offrant.
C’est dans ce contexte historique, qu’un vénérable universitaire découvre une série de documents relatant la vie de Cendres, mystérieuse femme capitaine dans le moyen âge obscur. Nous découvrons l’histoire de la jeune femme à mesure que l’historien tente de traduire les documents dans un récit moderne. Parallèlement à ses traductions, l’homme essaie de convaincre une éditrice de publier ses travaux.
Nous avons donc deux histoires qui se superposent et finissent par s’entremêler, la traduction des textes médiévaux et les échanges de mails. Rapidement le lecteur perd pied, le récit moyenâgeux semble plus réel que les échanges épistolaires de l’ère moderne. Mise en abyme vertigineuse du travail d’écriture, capable de donner le souffle de vie à des personnages prétendument historiques.
Lentement l’histoire de Cendres dévie de l’histoire officielle, les incohérences se multiplient jusqu’à ce que le récit bascule dans le fantastique. Mécanique quantique et miracles, Schrödinger et Carthaginois s’invitent à la fête. Je n’en dirais pas plus pour ne pas gâcher la surprise du lecteur potentiel.
Pour résumer, j’ai trouvé l’idée de base de cette saga tout simplement géniale, dommage que Mary Gentle ne soit allée un peu trop loin jusqu’à perdre la crédibilité de son histoire. La construction est intéressante et les implications du présent dans le passé rythment le texte, quel tristesse que les échanges ne se soient limités à des transcriptions de mails parfois pénibles à avaler.
Non, je reproche surtout deux gros défauts à cette série de roman. Tout d’abord sa longueur, quatre tomes de plus de six cents pages qui auraient facilement pu maigrir de moitié. Le résultat aurait certainement été plus digeste, sans toutefois sombrer dans le diététique. Ensuite, visiblement l’auteur à voulu donner un souci de crédibilité à son roman historique. La documentation historique est certes louable, mais on se serait passé des litres de sang et de sueur décrits dans les moindres détails de leurs effluves, et je n’ose parler de ces fiers guerriers qui se soulagent dans leurs chausses, encore moins des cas de dysenterie. En bref, le récit est souvent bien crade, trop à mon goût.

Maintenant que je suis sorti de la boue et des guerres médiévales, il est temps de prendre un bon bain, de se faire beau, de se parfumer et de rejoindre les alcôves feutrées en compagnie de Phèdre nò Delauney. Il faut dire que la dame a son prix, que toutes les bourses ne peuvent se l’offrir. En ce qui concerne la saga de Kushiel, j’avoue m’être arrêté au premier tome. Je n’éprouve nul besoin de découvrir la suite.
En effet, Jacqueline Carey nous livre sa vision d’une Europe occidentale alternative. Notre bon pays gaulois s’appelle désormais la terre d’Ange depuis que le Christ ressuscité, suivi de toute sa troupe d’apôtres a décider de s’y arrêter. Il faut dire que la vie du messie à changé quelque peu par rapports aux saintes écritures. Le brave Elua et ses apôtres ont décidé de changer la face du monde par la sensualité.
« Aime comme tu l’entends. » est désormais le crédo du nouveau messie et en ce qui concerne l’acte d’amour, il s’agit d’assurer autant la qualité que la quantité.
Notre jeune héroïne est donc une disciple de Namaah la courtisane, la compagne partageuse et partagée d’Elua le béni. En terre d’Ange, la prostitution est plus qu’une coutume, c’est l’un des piliers de l’état.
La jeune Phèdre vendue à son plus jeune âge à l’une des grandes « maisons » va donc découvrir la vie au travers du prisme de la sensualité. Il n’y a qu’une tare physique qui l’empêche de s’élever dans les plus hautes sphères du plaisir tarifé. Cette tare, une tache dans la paupière de l’œil gauche est la marque de Kushiel, une malédiction en quelque sorte. C’est pourtant cette distinction qui va permettre à un noble intriguant de repérer la jeune femme et de la faire travailler à son propre compte.
Très rapidement la jeune femme devenue objet de convoitise allie les plaisirs charnels et l’espionnage pour le compte de son nouveau maitre. Puis soudain son destin bascule, les trahisons s’enchaînent et les complots font éclore leurs fleurs vénéneuses. Phèdre se trouvera alors propulsée au cœur des intrigues.
Si j’avais découvert ce livre à l’adolescence, peut-être m’aurait-il laissé un meilleur souvenir. Je n’y ai trouvé qu’un prétexte à exciter la concupiscence des jeunes boutonneux. La moindre occasion est bonne pour mettre en scène les prouesses sensuelles de la belle héroïne.
En dehors de ce côté bassement reptilien, les intrigues sont finalement assez simplistes et la destinée du royaume se joue à quelques coups de théâtre peu crédible. Au milieu de tout ça, Phèdre tient immanquablement le rôle de last-women-standing, seule à mesure de dénouer les machinations.
Pour résumer, du sexe assez primaire teinté de masochisme purulent, des intrigues emboitées comme des matriochkas discount et une héroïne omniprésente et indispensable à la bonne marche du monde. Sans oublier la galerie de personnages qui pour se prétendre crédible tient du bottin mondain.
J’en ai vu suffisamment pour ne pas vouloir découvrir la suite.

1 commentaire:

pyrausta a dit…

il ya longtemps j'ai commence le livre de Cendres...bof...je n'ai pas fini le 1er tome...
et l'autre et bien je vais faire l'impasse au vu de ta critique