dimanche, janvier 29, 2012

2011, le top du pire...

Oyez, oyez internaute blasé ! Bienvenue dans la petite galerie des monstres. N’ayez pas peur, ils sont laids, repoussants, mais ils ne mordent pas. Ils ne sentent pas bon, mais ils sont frais. Je les ai tous ramassés sur le bord de la route durant la triste année passée.

Pour compenser une mémoire défaillante, j’ai pris l’habitude de noter le nom des livres que j’achète. Sitôt lu, je leur donne une note sur cinq points. Avec un point, je cloue au pilori les atrocités qui ne méritent pas l’encre avec lesquels ils sont imprimés. Quand au cénacle des étoilés cinq fois, ils font partie de ces romans desquels je parle avec une larme à l’œil.
Comme j’essaie d’avoir bon gout, la majorité de mes lectures se situe entre trois et quatre étoiles. Sauf pour cette sombre année 2011 où je n’aurais eu ni la quantité ni la qualité.

Petit florilège de mes pires lectures de l’année 2011.

Je commence avec le phénomène médiatico-prétentio-médiocre de l’hiver dernier. Décidément, Stéphane Hessel m’a donné matière à m’indigner.
Déjà j’aurais du me méfier du thème trop accrocheur dans le contexte actuel. Car c’est vrai que notre monde nous donne à foison des raisons de s’indigner. Cruel, difficile, injuste, promis à aller de mal en pis. On croirait presque entendre Caliméro et son « c’est trop inzuste ».
Alors forcément, la vie du bonhomme qui l’a écrit en impose. La lutte contre l’injustice, ça le connait Stéphane Hessel. Malheureusement, un homme exceptionnel ne fait pas nécessairement un bon écrivain et un destin extraordinaire ne donne pas forcément la matière d’un bon livre.

Qu’est-ce donc que ce livre ? Certainement pas un roman, trop court pour être un traité. Et pour un essai, il est raté.
On trouve tout d’abord une biographie mal écrite de l’auteur qui explique maladroitement comment les évènements qu’il a vécu ont alimenté son esprit de résistance. S’ensuit un monologue sur quelques raisons actuelles de s’indigner.

Oui mais, une fois indigné, on fait quoi ? Ben à priori rien, on ne dépasse pas le stade de Caliméro. Parce que le livre, on l’a déjà fini. Il ne coutait pas cher, certes, mais déjà bien trop pour le contenu, creux et mal écrit.

En conclusion, à lire comme un témoignage, mais qui ne mérite certainement pas les deux étoiles que je lui ai attribué.



Ensuite, j’ai lu La muselière de Minette Walters. Pour celui-là j’avais une bonne excuse. Jamais je n’aurais pensé à l’acheter. Une opération commerciale du genre deux livres achetés, le troisième offert me l’a imposé. Bienvenu dans le merveilleux monde de la surconsommation, d’ailleurs il ne faut plus dire livre mais « produit » culturel.
Bref, pour ne pas gâcher les volontés philanthropiques des pontes du marketing, j’ai lu le bouquin.
A première vue c’était un petit polar sans présentations, avec un thème d’une originalité extraordinaire. Une vieille très riche est retrouvée morte chez elle, dans un petit village ou tout le monde se connait. On ajoute un soupçon d’intrigue familiale tarabiscotée, une mise en scène Shakespearienne de la mort, deux trois coups de théâtre, et voilà.
Je ne sais pas si l’auteur se trouvait en panne d’inspiration ou si elle à suivi à la lettre les conseils de « Ecrire un roman pour les nuls ».
Le tout est mal écrit et/ou mal traduit.
Pour résumer ce livre sans grand intérêt je lui donnerais deux étoiles.



Troisième lecture de l’année. On change de stature, on s’incline en marque de respect et on va chercher le tube d’aspirine. C’est peut-être le snobisme qui m’a fait acheter Le crépuscule des idoles de Nietzche. Mais c’est surement le masochisme qui m’a poussé à le lire.
Mes cours de philosophies sont désormais lointains. Et de toutes les façons, je n’y voyais à l’époque qu’une occasion de rattraper mes insomnies nocturnes.
Mis à part quelques maximes populaires et la fin du quidam à l’asile, je ne connaissais donc pas le grand Frédéric Nietzsche.
J’ai du m’accrocher pour le lire et je pense être passé à des lieues de la signification du texte. Il n’empêche qu’à mesure que je tournais les pages mon malaise grandissait. Ce roman ne pouvait avoir été écrit pas quelqu’un de sain d’esprit.
La prétention iconoclaste de mettre à bas les idoles m’attirait. Je m’y suis brûlé les ailes. Comme l’adolescent rebelle qui essaye sa première cigarette j’ai d’abord toussé, puis en m’acharnant, j’ai finis pas avoir envie de vomir.
La dose était trop forte pour moi. Les idoles y sont bien passées, les grecs anciens, la morale, les principes de liberté, la société moderne. Le tout argumenté avec aplomb, arrogance et mépris.
« Le malade est un parasite pour la société. »
Son propos est le plus souvent argumenté avec pertinence et justesse. Difficile pour les esprits simples comme le mien de réfuter le discours. En bref, l’ami Fred ne semble pas très fréquentable.

Pour la profondeur de la réflexion et l’apport du texte à la pensée moderne, je suis obligé de concéder deux étoiles à cet essai nauséabond.



J’ai fini le tube d’aspirine avec Nieztche. Je n’ai plus grand-chose pour guérir de la gueule de bois carabiné que m’a refilé le livre de Peter Mayle.
J’ai cru acheter un polar épicurien, une prière à Dionysos. Un cambriolage ouvre le livre. Pas n’importe quel cambriolage, l’un des arrivistes d’Hollywood retrouve sa cave vidée de ses plus grands crus. Le tout peu après que ledit matamore aie fait publier un reportage sur ladite cave.
L’assurance rechigne à rembourser les pertes surévaluées. Elle embauche donc un détective privé pour retrouver la trace du raisin fermenté, le narrateur.
L’enquête policière est pitoyable et sert tout juste de prétexte à la visite des domaines bordelais et des caves de richissimes collectionneurs.
Je m’attendais à trouver une arnaque, je n’ai compris qu’en fermant le livre que c’était moi qui m’étais fait pigeonner.
Le livre mérite tout juste ses deux étoiles.

Il est rare, pour ne pas dire que je ne donne qu’une étoile à un livre. Généralement, je le fais plus par esprit de vengeance que par l’étude raisonnée des qualités littéraires.
Catherine Millet, en racontant sa vie sexuelle voulait choquer, faire le buzz, faire vendre ? Elle aura réussit sur tous les plans.
Une autobiographie trash et incompréhensible, sans queue ni tête. La précédente phrase est dénuée de jeu de mot. L’architecture du texte m’échappe encore et toujours. Le vocable de la dame oscille entre le plus cru et le plus châtié.
La dame a bâti sa réputation sur la critique d’art et son texte s’en ressent. Beaucoup de mots compliqués pour paraitre, un discours lénifiant pour perdre son auditoire et au final ne rien dire. Ah si, l’auteur alterne avec des termes cliniques ou vulgaires, description de pénétrations sordides en gros plan.
Entre trash et chiant, l’ouvrage mérite bien le pilori auquel je le destine.

Au tour de Pierre Péju de nous emmener faire une traversée de la Diagonale du vide. Difficile de faire titre plus évocateur de la profonde vacuité de l’ouvrage.
J’exagère à peine. J’ai parcouru les quelques centaines de pages à rechercher quelque chose, sans jamais le trouver.
Le narrateur ouvre le récit en décidant de plaquer une vie trop superficielle. Il part se réfugier dans la solitude des gites de grande randonnée pour réfléchir au sens de l’existence. Il rencontrera une étrange marcheuse, une ravissante jeune femme à la recherche de spiritualité. Lancé à sa poursuite, il sera le témoin d’un enlèvement sous le couvert du secret de la raison d’état.
Présentée comme cela, la quatrième de couverture à de quoi attirer le chaland. Et je me suis fait piéger.
Le roman hésite entre des thèmes forts et accrocheurs, la quête du sens de la vie, l’espionnage, l’aventure, et même une histoire d’amour à quatre sous teinté de romantisme gentillet. A force de draguer des sujets hétérogènes, l’histoire n’en traite aucun et se révèle au final inutile.

L’absurde et le loufoque ont révélé des maitres de la littérature. Des génies capables de s’engager et d’aborder des réflexions profondes au travers de l’humour. Douglas Adams, Terry Pratchett font partie des maitres du genre. J’ai cru en apercevant la Dimension des miracles trouver en Robert Sheckley un troisième mousquetaire du genre.
Perdu !
A la manière de ces photographes qui encadrent leurs images d’un liseré noir pour faire ressortir les couleurs, ce livre m’aura donné le sens du contraste. Il faut du talent pour manipuler l’absurde. L’arme est efficace mais dangereuse. Et Robert Sheckley en fait n’importe quoi. Un roman découpé en scénettes loufoques et colorées, des transitions incongru, un récit truffé de réflexions philosophico-stériles.
L’histoire se termine par un retour à la case départ, sans rien de changé dans la vie du narrateur. L’auteur cherche-t-il à s’excuser de nous avoir fait perdre un peu de notre temps ?

Voici pour terminer l’année, la pire du pire de 2011. Un autre de ces livres rares qui me donne envie de cracher mon mépris à la face de l’écrivain. Obscène et pornographique, Crash est pire que cela. James Graham Ballard s’est surpassé en visionnaire malsain.
Anesthésiés par une vitre trop facile et trop routinière, le narrateur et ses comparses ont découvert de nouvelles sensations, un peu par hasard. Au volant de leurs bolides chromés, ils ont dépassé le stade du sadisme et du masochisme. L’accident automobile comme orgasme ultime, mêlant la douleur et la mutilation dans un délire sensuel. Et les descriptions qu’en fait le narrateur ne nous épargne rien, pas le moindre os brisé, la moindre goutte de spermes ou autres liquides corporels.
Derrière les apparences crades et visqueuses, il n’y a finalement rien. Le narrateur est un oisif qui visiblement gagne trop bien sa vie à ne rien faire et à côtoyer des stars. Par le hasard tragique d’un accident automobile il en vient à tuer un autre homme. Dès lors sa vie bascule et il rencontre un club d’accidentés jouisseurs et notamment son mentor.
Et puis...
En fait rien de plus, tout cela s’étale dans les pages à la manière d’une confiture rance. Les critiques voient dans l’œuvre de Ballard une critique visionnaire du devenir de la société. Quarante ans plus tard, la vision et son intérêt m’échappent totalement.

Gageons que 2012 m’inspirera des lectures plus intéressantes.

dimanche, janvier 01, 2012

La science fiction n’est pas morte

Dans ce nouveau millénaire, la science fiction ne fait plus rêver. La communication est devenue numérique et les amitiés virtuelles, la terre à perdu le défi du rendement face aux cultures hydroponiques, la médecine à découvert des myriades de nouvelles maladies. Cause ou conséquence, c’est maintenant la littérature dite fantastique qui trône parmi les littératures alternatives. Soumis à une science sans conscience, nous réfugions notre imaginaire au pays des magiciens et des dragons.

J’ai suivi le mouvement et je ne pensais pas que l’on pouvait trouver encore de la bonne science fiction. J’ai découvert de nouvelles idoles capables de réenchanter le monde, tel que Gaiman, Resnick, Martin, Pratchett, Cook et tant d’autres.

J’ai découvert un peu par hasard, plutôt par désœuvrement qu’il subsiste encore quelques bons artisans, capables de forger de la science fiction ambitieuse. Des écrivains improbables capables de faire rêver par la science dans un monde ou l’imaginaire et le romanesque sont rongés par les arcanes de la complexité scientifique.

J’ai découvert Robert Charles Wilson au travers de Spin. Un véritable virtuose capable de redonner ses lettres de noblesse à un genre que je croyais passé de mode.

Donc Spin, ça parle de quoi ?
Le temps présent du récit se déroule dans approximativement 4 milliards d’années. Ce n’est pas déroutant ou trop exotique car en fait la trame de l’histoire débute de nos jours et un habile jeu de flashbacks nous fait défiler les millions d’années en quelques centaines de pages.

Vous l’aurez compris, l’auteur s’attaque à l’un des thèmes les plus rabâchés de la science fiction, le temps. Avec les centaines de récit traitant du même thème, on aurait cru en avoir fait le tour. Et pourtant Spin réussit à le renouveler.

C’est par une belle nuit d’automne que l’histoire débute. Une belle nuit sans nuages pendant laquelle le narrateur voit disparaitre les étoiles. Si une panique généralisée s’installe, elle est de courte durée car le lendemain voit reparaitre le soleil.
Mis à part la lumière du soleil, il s’avère que la terre est coupée du reste de la galaxie, enveloppée dans un immense cocon. Bien rapidement, les scientifiques découvrent que cette carapace protectrice possède une autre fonction. A l’extérieur de la membrane de « Spin », le temps s’écoule beaucoup plus rapidement.
Une accélération du temps ahurissante, pour une seconde passée sur terre, il se passe plus de trois ans dans le reste de l’univers. Dès lors, la fin du monde devient inévitable, en l’espace de quelques dizaine d’années le soleil s’embrasera pour mettre fin à l’humanité.

C’est dans ce cadre de fin du monde programmée que tient place l’action du roman. Les trois protagonistes vont osciller entre la quête de rédemption, la recherche du pourquoi et des moyens d’exploiter le phénomène. Les relations entre le narrateur et ses deux amis vont rythmer l’histoire.
Il n’est pas simple de traiter du destin de l’humanité mais la trame de l’histoire est brillante. Malgré le postulat de départ et des hypothèses audacieuses le récit garde le cap d’un certain réalisme.
L’écriture est brillante, fluide et par moment cinématographique. On devine presque le budget colossal en effets spéciaux hollywoodiens.
En près de dix cents pages, Robert Charles Wilson m’a réconcilié avec la science fiction dure et Spin vient de rentrer en bonne position dans le panthéon restreint de mes romans préférés.

20h 12, l’heure de la fin du monde…

A l’heure où les plus fatigués se réveillent enfin. Avec une vilaine migraine en maudissant Sylvestre et sa fête trop arrosée. D’autres voient dans la fin de journée les prémisses d’un retour difficile à la vie active.

Il parait que si l’on résumait l’histoire de la terre à une année, l’ère des hommes ne tiendrait même pas sur une journée. D’ailleurs les mayas sont formels, à 20h 12 le réveil sonne et l’humanité disparait.

Nous voilà donc à la dernière minute avant l’apocalypse. Une minute de plus de trois cents jours, ça en laisse du temps pour célébrer ce cadeau précieux qu’on appelle la vie.

Eclatez-vous, profitez, vivez cette année comme la dernière. Car si le monde s’achève vous partirez sans regrets. Mais surtout, si nous sommes encore là le 31 décembre prochain vous pourrez affirmer que vous avez passé une très bonne année…

Et c’est bien tout ce que je vous souhaite !

Le truc aussi d’entamer une nouvelle année est de prendre des bonnes résolutions pour pouvoir les oublier quelques semaines plus tard. Alors, parmi les choses qu’il faudrait que je réussisse cette année :

  • Partir moins tard du boulot
  • Organiser correctement les vacances
  • Reprendre le sport, mais de manière « régulière »
  • Reprendre l’écriture (tiens par exemple, si je publiais ce billet sur mon blog)
  • Dompter mes nerfs et prendre du recul sur mes angoisses et mes colères

Hop, voilà ces bonnes résolutions affichées en place publique. J’expose ainsi ma vie privée, mais surtout je construis le pilori pour me châtier si je ne les respecte pas.

lundi, août 15, 2011

Un oiseau sur les cendres et le sel de Sodome

Ils sont sept.
Le premier se raccroche aux souvenirs d’un monde perdu. Dernier rempart face à la méditerranée, Paris a troqué ses atours de ville lumière pour un port ultramoderne.
Les six autres sont partis en quête d’un futur dans un monde nouveau. Les rives d’une mer que l’on croyait morte hébergent une colonie isolée du monde par un océan étrange et par un désert infranchissable.

Entre les deux, il y a le trafic du sel mauve, la richesse de la colonie et le monopole des Soixante-Quinze. La mystérieuse compagnie totalitaire asservi les derniers vestiges de l’ancien monde par la dépendance tandis qu’elle exploite les colons venus trouver la rédemption dans les mines de sel.

Les récits des sept se complètent et se recoupent. Leurs lettres dessinent le portrait d’une société étrange, condamnée à danser sur les ruines de l’apocalypse. Une société lointaine ? D’aucun tenteront d’y voir un parallèle troublant avec les multinationales qui entendent dresser les gouvernements et les hommes au fouet de leur intérêts privés. De la littérature engagée ? Peut-être, en tout cas derrière les mots se cache une réalité qui donne à réfléchir.

Tandis qu’à Paris, la compagnie des soixante-quinze embauche Phileas Book pour démêler l’écheveau d’une énigme épaisse, dans la colonie le gouverneur vient de mourir laissant ses six courtisans dans l’embarras.

Littérature grecque et contemporaine, douce antinomie à mes yeux. Jamais je n’aurais pensé lire un écrivain grec qui n’aie pas passé avec succès l’épreuve des siècles. Et pourtant, un soupçon d’opportunisme, un zeste de curiosité et une bonne dose de chance m’ont fait revoir mes préjugés.
L’initiative de l’éditeur Ginkgo et la masse critique de Babelio m’ont permis de recevoir et de critiquer le livre de Ioànna Bourazopoùlou, Qu’a-t-elle vu, la femme de Loth ?

Derrière la référence biblique, on trouve un récit ambitieux et engagé. Le style, sans être flamboyant déploie des audaces oniriques qui laissent rêveur. Tout au plus on pourra regretter certaines longueurs ou certains méandres trop hallucinés. Quand à la construction de l’intrigue, elle m’a curieusement fait penser à Usual Suspect tant il faut attendre la dernière page afin de comprendre le tableau et son but.

samedi, juin 18, 2011

Triste bande dessinée pour un un photographe

Triste histoire que celle de l'Espagne lors de la guerre civile.
Triste destin que celui de Robert Capa, réduit en cendres, conclusion logique d'un métier de guerre.
Triste revue de lecture que je m'apprête à rédiger.

Une masse critique dédiée à la bande dessinée m'a permis de découvrir Tristes Cendres de Mikel Begoña et Iñaket. Derrière cela se fraye le hasard et un éditeur alléché par l'idée de se faire de la publicité à peu de frais. Mais les quelques euros gâchés à me faire don d'un exemplaire de cette bande dessinée ne suffiront pas à acheter mon enthousiasme. Un livre en échange d'une critique, soit! Je vais donc faire mon job, avec en arrière plan la culpabilité de cracher un peu dans la soupe.

Catégoriquement et définitivement, je n'ai pas aimé ce livre. La quatrième de couverture m'avait pourtant promis beaucoup :
  • J'imaginais me cultiver sur l'époque sombre de la guerre civile espagnole.
  • Je me faisais une joie de découvrir la vie et les images de Robert Capa, sacré plus grand photojournaliste de guerre.
  • Je vibrais face au destin tragique du couple Capa & Taro.
Il y avait tout ça dans le petit résumé, mais rien de plus dans le livre. Pour tout dire, l'histoire dessinée n'a fait qu'attiser un sentiment puissant de frustration.

Une bande dessinée qui ne raconte pas grand-chose c'est déjà malheureux. Tristes Cendres réussit à faire pire, a rendre l'histoire pénible à lire. L'action est le plus souvent confuse, manque de cohérence et de suivi. On voit bien que les scénaristes sont bien documentés et concernés par une tranche de leur histoire. trop peut être...
Robert Capa souffrait d'une rage de dent. On retrouve donc régulièrement dans le récit le personnage du dentiste chargé de donner une certaine légèreté et de l'humour au milieu d'une histoire trop sombre. Prétendument comique, les gags de ce fil conducteur tombent toujours à plat.

Dans une bande "dessinée", l'aspect majeur est souvent l'image. Je n'ai mais aimé le style mais j'imagine que l'affaire est plus question de goût.
Le trait du premier plan est noir, pas de crayonné ou de demi-teinte. Une ligne ferme mais un aspect gribouillé qui me rebute. Pour le néophyte, en l'occurrence moi, ça ressemble plus aux croquis d'un enfant sur un cahier d'écolier qu'au travail d'un dessinateur sérieux.
L'arrière plan est plus intéressant. En bleu ciel il reste plutôt discret mais donne une vraie profondeur à l'image.
De nombreux dessins sont en fait des hommages aux célèbres clichés du photographe. Une recherche rapide m'a permis d'en identifier quelques-uns mais j'imagine qu'un vrai connaisseur de l'œuvre de Capa en trouvera beaucoup d'autres. C'est probablement le seul intérêt de Tristes Cendres.

Sur la dernière image, en bas de page, on trouve un commentaire curieux "Enfin la fin...". C'était également mon sentiment.

lundi, mai 16, 2011

Il était une fois Neverwhere...

Cher monsieur Gaiman,

J’ai bien peur que votre notoriété ne dresse comme un mur entre nous. Tous vos lecteurs, votre fan club, comme il est de bon ton de l’appeler, vous inonde de courriers, tous uniques et pourtant tous semblables.

Je crains que vous ne puissiez trouver le temps de lire cette lettre. Et pourtant, ma missive ne cherche qu’à vous mettre en garde.

Vous tripotez les mythes et les légendes depuis un petit bout de temps. Les jaloux iraient même jusqu’à prétendre que vous en avez fait votre fond de commerce.
Je ne fais pas partie des envieux et j’apprécie sincèrement votre travail, non, je vous écris aujourd’hui pour vous prévenir. Passe encore que l’on chatouille les barbes blanches des vieux décatis de l’Olympe, ils sont tellement sourds qu’ils n’entendent plus rien. Vous pouvez aussi broder sur les rêveurs éternels, ils sont toujours dans les nuages.
Par contre la mythologie urbaine, c’est du sérieux. A force de mettre en lumière les mythes qui souhaitaient rester dans l’ombre, ils en sont venus à vouloir se venger.
Vous avez réédité récemment Neverwhere, cette pittoresque chronique Londonienne. Et vous en avez fâché plus d’un. Un certain marquis, une connaissance commune, ne décolère pas depuis cet affront.

Résumons donc l’affaire. Avec votre plume si savoureuse, vous avez narré l’histoire de Richard Mayhew. Comment cet habitant terne de la ville moderne et polluée de Londres s’est par hasard retrouvé avec une jeune fille mourante dans les bras. Comment sa vie avait basculé. Devenu un fantôme parmi les vivants, il a été contraint de rejoindre le Londres-d-en-bas. Vous en avez profitez pour nous décrire cette terre de légende, invisible au commun des mortels et pourtant si bien entretenue par l’imaginaire collectif.
Vous ne nous avez rien épargné, le marché flottant, Knight bridge, le monastère des moines noirs et même l’Atlantide. Vous nous avez décrit les plus grandes personnalités qui règnent en maître dans ces domaines.

Votre livre est un véritable guide touristique et c’est bien là le fond du problème. Imaginez donc, les gens commencent à parler aux rats, certains guettent la créature sous les quais de métro ou encore attendent le wagon du compte.
Avec tout ça, nos amis ne peuvent être tranquilles. Il finira par y avoir des accidents. Je connais bien le marquis, j’imagine qu’il a trop parlé un soir de beuverie, que votre imagination a comblé les failles de son récit.
Si encore cela avait été mal écrit, mais non, le tout est raconté avec panache, humour et un sens aigu de la tragédie. Au final vous vous êtes fait pas mal d’ennemis, presque autant que de lecteurs.

Heureusement que vous avez mis tout un océan entre vous et votre ancienne patrie. Pour votre sécurité, c’est mieux ! Chasseur a une dent contre vous. Fort heureusement elle est coincée de ce côté de l’Atlantique par sa vilaine blessure à la hanche qui tarde à guérir.

J’ai oui dire que Dame Porte avait épousé en grandes noces ce freluquet soit disant guerrier le 29 avril de cette année 2011. Ils sont tout à leur bonheur et ne pensent pas à vous chercher querelle. Quand aux autres habitants de la Londres-d-en-bas, ils sont bien trop casaniers pour être réellement dangereux.

Mais faites bien attention à vous. Si jamais l’idée vous prend de revenir dans la perfide Albion, ne traînez pas seul tard le soir dans les ruelles désertes, évitez le métro et surtout, surtout, faites attention dans les quartiers trop anciens.

Je vous connais bien, j’ai lu votre bibliographie dans tous les sens. Je me fais bien du souci pour vous. Les mythes prennent également racine sous le soleil de Californie et ce n’est peut-être pas un hasard si vous résidez dans la cité des Angelins. Alors soyez prudent, il serait regrettable que notre époque fataliste et indifférente perde l’un de ses plus grands conteurs.

Bien à vous,
Un petit chaton qui a perdu ses bottes

jeudi, février 10, 2011

Non !

En recevant mon colis tardif par la poste, j’ai failli dire non. Non, je ne lirais pas ce livre. Non, je n’écrirais pas de chronique.

Une fois de plus, j’avais participé à la masse critique en laissant le hasard guider ma sélection. En découvrant dans le petit carton un exemplaire de Tout le monde vous dira non de Hubert Mansion, je me disais que parfois le hasard fait mal les choses. Décidément non, ce livre n’était pas fait pour moi. La faute en revient comme toujours à la quatrième de couverture, à ce petit bout de texte taillé pour décourager l’acheteur potentiel. Le publicitaire en manque d’inspiration prétendait attirer le pigeon en listant les recettes miracles pour réussir dans le monde impitoyable de la musique et du show business.

« There is no business like Show Business »

D’une part l’étendue de ma culture musicale se cantonne à la soupe servie à toute heure sur les radios pop fm pour meubler entre deux pages de pub. Et mes prétentions artistiques sont régulièrement démenties par les séances de torture que j’inflige à ma pauvre guitare. En bref, percer dans le domaine ne faisait pas partie de mes ambitions.

D’autre part, le genre de livres qui décrit comment faire pour réussir m’a toujours paru suspicieux. L’arnaque réussit surtout à enrichir les éditeurs en soulageant le porte monnaie des plus naïfs et des plus crédules.

Un semblant de conscience bénévolo-professionnelle m’a poussé à faire ma part de travail, à lire ce livre pour en faire une critique, fût-elle assassine.

Et puis j’ai lu, j’ai appris, j’ai compris. Notamment que je m’étais trompé sur ce livre. Nulle recette miracle pour faire fortune, la description juste d’un milieu ou les paillettes brillent trop fort.

Ami lecteur, soit prévenu avant d’ouvrir cet ouvrage. Abandonne tes dernières espérances romantiques. Le poète torturé est bel et bien maudit, mais par le poids du fisc et des vautours qui s’engraissent de son talent.

La rencontre entre l’art et l’argent a renvoyé muses sur le trottoir et les pauvres ont intérêt à enchainer les clients, à vider leurs bourses, quel que soit le sens que l’on donne à cette expression.

Car c’est le thème central de l’ouvrage, entre l’artiste et son public, il y a l’argent qui conditionne leurs rapports.

Un troisième invité que l’on cherche à engraisser, au détriment de l’Art.

Tout d’abord l’artiste, trop complexe, trop humain est simplifié par les promoteurs de son art pour en devenir sa propre caricature. Pour l’enfermer bien sagement dans sa petite case, facilement manipulable et vendable par les gourous du marketing.

Car le monde est trop vaste pour un petit chanteur qui n’a pour lui que la puissance modeste de ses cordes vocales. Pour le faire connaitre à son public, il faut qu’une assemblée d’hommes d’affaire grassouillets le cigare aux lèvres investissent un paquet de billets sans âme. Qui a parlé d’art? Non la musique est une chose sérieuse, un placement financier dont on doit calculer avec minutie le retour sur investissement.

Avec l’arrivée massive de ces flux d’argent, et on l’espère la gloire et le succès à la clef, il faut bétonner les contrats. S’il n’y avait pas déjà trop de monde à gérer la carrière de l’artiste, il faut y ajouter quelques avocats pour faire bonne mesure.

S’il existe une étincelle de talent ou d’opportunité rentable. Le manager, l’éditeur, la maison de disque, l’agent, les avocats sauront bien la faire prendre. Au moins pour illuminer la scène d’un feu de paille. Quand aux artistes, qui par définition échappent à ce monde pragmatique et capitaliste, ils ne peuvent pas comprendre. Entre la misère absolue, et la fortune trop vite faite, il ne semble pas y avoir d’intermédiaire. Les rares élus qui se rapprochent du soleil aveuglant de la gloire ne profitent que pour se brûler les ailes et finir endettés à vie sous les créanciers.

Au milieu de tout ça, le livre écrit par l’un de ses innombrables vampires du show business se lit très bien. Le texte est léger, parsemé d’anecdotes croustillantes et brosse une analyse décomplexée du milieu. J’ai appris beaucoup.

Quel dommage que l’on ne parle si peu de musique...

dimanche, janvier 09, 2011

Un oiseau sous la pluie


Cela fait trop longtemps que je remets cette chronique à plus tard.
Voilà presque un an d’écoulé depuis ma lecture et je n’ai toujours pas évoqué Prière pour la pluie de Dennis Lehane. Il y a certainement une part de paresse intellectuelle ou de procrastination dans l’acte de repousser le travail au lendemain. Mais pas que…

J’ai déjà tellement dit tout le bien que je pensais de l’écrivain Bostonien, que je peine à trouver de nouveaux adjectifs pour décrire l’attraction magnétique qu’exerce son talent. Passé le Ténèbres, prenez moi la main, je pensais avoir trouvé les limites du genre. On m'avait prêté Prières pour la pluie, je décidais donc de le lire avant de le rendre. J'espérais passer un bon moment, mais ne plus être surpris. Et pourtant...
J’ai véritablement retrouvé mon auteur favori avec ce livre, il a sut une fois de plus me surprendre et m'émerveiller. Du coup, je n’ose m’attaquer à une critique de peur de ne pas lui rendre l’hommage qu’il mérite. Surtout qu’il explore à nouveau ses territoires de prédilection, les traumatismes de l’enfance comme moteurs d’une intrigue conjuguée au présent. Les personnages possèdent une telle profondeur qu’ils transcendent la réalité, que nos vies sembles pâles à côté.
Dans ce nouvel opus des aventures de Patrick Kenzie et d’Angela Gennaro, les détectives se trouvent confronté à un psychopathe d’une nouvelle envergure. Il ne s’agit pas d’un vulgaire meurtrier qui torture et découpe ses victimes selon un rituel bien établi. Non, la violence exercée par le quidam est d’ordre psychologique. La vie professionnelle et personnelle, la vie privée, les bonheurs et les espoirs des proies se trouvent anéantis pièce par pièce. Et lorsque la victime, touche enfin le fond, il ne suffit plus qu’une pichenette pour la pousser à mettre fin à ses jours.
Lorsqu’une ancienne cliente de Patrick Kenzie met fin à ses jours, il décide de creuser l’affaire. Dans ce récit on retrouve le trio habituel Patrick, Angie et l’inénarrable Bubba. Malgré l’atrocité de ces crimes sans violence physique, nos trois héros n’ont rien perdu de leur allant de leur verve. Et on se surprend entre rire et larmes à tomber amoureux de l’histoire. A regretter qu’elle se termine.
Bref, un polar noir qui repousse les limites du genre pour lui donner de nouvelles lettres de noblesse.

lundi, novembre 29, 2010

Un oiseau, une plume, une page immaculée et de l’encre qui pleure…

Malgré les quolibets des fâcheux, l’art reste difficile. On parle de talent, mais sans la sueur et le sang de l’artisan, le talent n’est qu’une terre en friche destinée à se perdre dans les brumes de l’oubli. Sans travail, la paresse reprend les dons octroyés par la grâce. On pourrait parler de gâchis.
L’écriture est un art qui réclame de la patience, de la persévérance et surtout un travail acharné. Qui daigne compter les lettres d’un mot, les mots d’une ligne, les lignes dans une page, et finalement les pages ? Certainement pas le lecteur passif qui attend d’être pris par la main, d’oublier justement de compter pages pour se laisser emporter par le récit.
Les muses sont capricieuses et si parfois elles emportent également l’écrivain dans un voyage que l’on nomme l’inspiration, la plupart du temps elles restent muettes tant que l’on ne va pas les chercher. L’écrivain parle alors d’angoisse de la page blanche. Voilà la différence avec l’écrivant qui perd son noble « i » et transforme un métier en simple hobby. L’écrivant que je suis perd patience lorsque les muses ne sont pas à ma porte pour me montrer le chemin. J’en réfère aux mauvaises conseillères du découragement et de la procrastination qui savent se montrer imaginatives dans la vacuité de l’esprit face à la paresse. Puis finalement le temps s’enfuit et m’éloigne plus des muses. L’ambition devient rêve et le rêve une chimère. Finalement, au moment venu de faire le bilan d’une vie, cela fait bien longtemps que la montagne des espoirs adolescents a sombré dans un océan de regrets.
Pour noyer le spleen d’une vie qui se consume jours après jour dans la frustration et le désespoir. L’écrivant cherche ses muses dans les musiques trop fortes, la caresse trompeuse de l’éthanol, dans un projet d’autodestruction méthodique. Il faut croire que l’on tombe facilement amoureux des reflets de l’imagerie tragique et romantique de l’écrivain maudit…
J’ai peur d’être tombé dans ce piège, tombé amoureux du métier de l’écriture plutôt que devenu écrivain à mon tour. Ce n’est pas un reflet dans un miroir que je regarde lorsque je contemple le portait du poète maudit, c’est juste une image d’Epinal. Une image pleine de couleurs, la projection dans un imaginaire fascinant, en bref l’invention brillante d’un écrivain inspiré.
Car à en venir aux fondamentaux, le métier de l’écriture n’est pas si noble qu’on voudrait le faire croire. Il repose sur la manipulation et la tromperie. Tout le talent de l’artiste repose sur le choix des mots. Une chose tout simple vu par l’œil froid du mathématicien, un bagage de vingt-six petites lettres, une poignée de signes de ponctuation et quelques règles à connaitre pour faire fonctionner le tout. L’esprit tourmenté du littéraire devine derrière cette mécanique toute simple une véritable sorcellerie. L’écrivain sait créer la magie à partir de ces symboles limités. Les mots ne sont alors qu’un outil de manipulation pour créer des images dans l’esprit des lecteurs. Il s’agit de mettre ces victimes consentantes dans un état d’esprit voulu, de leur permettre d’élaborer des hypothèses ou des conclusions. Une fois que l’écrivain a amené ses spectateurs dans l’état voulu, il dispose de toutes les cartes pour le surprendre, l’émerveiller et qui sait le convaincre d’acheter ses livres.
La tâche semble presque insurmontable pour l’apprenti sorcier écrivant. Avec le temps, j’ai appris à distinguer deux faces de la même pièce; l’écriture repose tout aussi bien sur le fond que sur la forme. Maîtriser les deux est difficile en soi, mais le vrai défi réside dans la capacité de les dominer au même moment. L’inspiration aide un peu, mais elle souffle d’un côté ou de l’autre.
Lorsque de mes certes années adolescentes, j’avais l’insouciance et l’innocence de croire qu’il n’existe pas de montagne infranchissable. J’étais surtout naïf et prêt à toutes les acrobaties mentales sans jamais me poser la question de la pertinence. Ma muse avait alors un nom, l’envie. Mon imagination vagabondait alors sur des territoires vierges, prête à me faire deviner des milliers d’histoires jamais racontées. L’âge détruit impitoyablement la naïveté, on découvre les schémas et les archétypes communs des bonnes histoires. La sclérose guette l’âme qui comprend qu’il est impossible d’inventer de nouvelles fictions, que tous les territoires ont déjà été explorés par des hommes et des femmes d’un talent inégalable. Il est difficile de parier contre six mille ans d’histoire écrite. A cette époque je me trouvais un talent pour le fond mais une profonde peur face à la forme. L’âge me rattrape jour après jour. J’ai bénéficié de plus de recul, j’ai mûrit. J’ai rempli mon bagage de formes et de tournures, de grammaire et de rhétorique. J’assume beaucoup mieux ce que je peux coucher sur le papier, je n’ai plus peur face à l’acte d’écrire. Encore faut-il trouver encore des histoires à raconter…

La conclusion est amère pour cette petite chronique. Il faut que j’arrête d’écouter des musiques trop tristes et trop fortes, que je range la bouteille de vodka au placard. Il faut surtout que je te confesse à toi patient lecteur que je me suis servi de toi. J’ai saisi l’inspiration au vol pour te parler de l’écriture. Tu commence à comprendre que ce n’était qu’une mise en abyme, un prétexte pour me permettre d’échauffer ma plume et travailler. Merci de ta patience et je compte sur toi pour financer mes premières œuvres ;-)

lundi, novembre 01, 2010

En attendant Godot

J’ai attendu, attendu. Il n’est finalement pas venu.

Lire une pièce c’est souvent ennuyeux. C’est encore pire si la pièce a été conçue expressément pour ça. Je ne ferais pas par contre pas attendre cette critique, elle est passée au dessus de moi, allée trop loin, je ne la rattraperais pas.

Un oiseau perdu

Du sang et du sexe pour vider une étagère trop remplie

Il est temps de vider ma pile de livres à commenter, l’étagère commence à céder. Je vais donc y aller par lot. Votre serviteur, Stakhanov survitaminé dans le petit matin gris et froid s’apprête à vous critiquer non pas un ni deux, ni même trois livres. Non, la présente chronique s’attaque à l’Everest, en face nord et sous la tempête. J’ai face à moi cinq livres, je pars chercher la frontale, le piolet, les crampons et je reviens...

... Me revoilà. Le thème qui relie les cinq ouvrage n’est pas l’alpinisme ni la montagne. Je trouvais juste la métaphore sympa. Et vu que je ferais un mauvais bonimenteur, j’avoue que parmi les livres que je m’apprête à commenter, il y en a quatre qui forment la même saga. Du coup je vous fais un prix de groupe.
Le point commun de ces histoires, c’est une vision de la France médiévale, torturée par les névroses de leurs auteures respectives.
Le sang et la sueur des guerriers pour Mary Gentle et son livre de Cendres, le sexe et les secrets pour Jacqueline Carey et sa marque de Kushiel. Comme quoi littérature écrite par des femmes ne rime pas forcément avec littérature féminine.

On va commencer par se salir un peu les mains avec la guerre. Le livre de Cendres est constitué de quatre romans et nous raconte la destinée de Cendres, jeune capitaine d’une troupe de mercenaires. Le personnage est improbable, faible femme à diriger une bande de brutes machistes, alcooliques et violentes. Ses compétences sur le champ de bataille, tant stratégiques que guerrières, lui assurent pourtant l’autorité naturelle qui manque à son sexe.
Nous sommes à la fin du 15ème siècle et l’Europe occidentale est déchirée par les conflits entre les seigneurs de guerre. Entre le royaume de France et d’Angleterre, le saint Empire Germanique et le compté de Flandre et tant d’autres à l’image du duché de Bourgogne les guerres se déclarent, les alliances et les frontières se déplacent au gré des saisons. L’échiquier régionaliste est complexe et fluctuant, véritable aubaine pour les compagnies de mercenaires, toutes prêtes à se vendre au plus offrant.
C’est dans ce contexte historique, qu’un vénérable universitaire découvre une série de documents relatant la vie de Cendres, mystérieuse femme capitaine dans le moyen âge obscur. Nous découvrons l’histoire de la jeune femme à mesure que l’historien tente de traduire les documents dans un récit moderne. Parallèlement à ses traductions, l’homme essaie de convaincre une éditrice de publier ses travaux.
Nous avons donc deux histoires qui se superposent et finissent par s’entremêler, la traduction des textes médiévaux et les échanges de mails. Rapidement le lecteur perd pied, le récit moyenâgeux semble plus réel que les échanges épistolaires de l’ère moderne. Mise en abyme vertigineuse du travail d’écriture, capable de donner le souffle de vie à des personnages prétendument historiques.
Lentement l’histoire de Cendres dévie de l’histoire officielle, les incohérences se multiplient jusqu’à ce que le récit bascule dans le fantastique. Mécanique quantique et miracles, Schrödinger et Carthaginois s’invitent à la fête. Je n’en dirais pas plus pour ne pas gâcher la surprise du lecteur potentiel.
Pour résumer, j’ai trouvé l’idée de base de cette saga tout simplement géniale, dommage que Mary Gentle ne soit allée un peu trop loin jusqu’à perdre la crédibilité de son histoire. La construction est intéressante et les implications du présent dans le passé rythment le texte, quel tristesse que les échanges ne se soient limités à des transcriptions de mails parfois pénibles à avaler.
Non, je reproche surtout deux gros défauts à cette série de roman. Tout d’abord sa longueur, quatre tomes de plus de six cents pages qui auraient facilement pu maigrir de moitié. Le résultat aurait certainement été plus digeste, sans toutefois sombrer dans le diététique. Ensuite, visiblement l’auteur à voulu donner un souci de crédibilité à son roman historique. La documentation historique est certes louable, mais on se serait passé des litres de sang et de sueur décrits dans les moindres détails de leurs effluves, et je n’ose parler de ces fiers guerriers qui se soulagent dans leurs chausses, encore moins des cas de dysenterie. En bref, le récit est souvent bien crade, trop à mon goût.

Maintenant que je suis sorti de la boue et des guerres médiévales, il est temps de prendre un bon bain, de se faire beau, de se parfumer et de rejoindre les alcôves feutrées en compagnie de Phèdre nò Delauney. Il faut dire que la dame a son prix, que toutes les bourses ne peuvent se l’offrir. En ce qui concerne la saga de Kushiel, j’avoue m’être arrêté au premier tome. Je n’éprouve nul besoin de découvrir la suite.
En effet, Jacqueline Carey nous livre sa vision d’une Europe occidentale alternative. Notre bon pays gaulois s’appelle désormais la terre d’Ange depuis que le Christ ressuscité, suivi de toute sa troupe d’apôtres a décider de s’y arrêter. Il faut dire que la vie du messie à changé quelque peu par rapports aux saintes écritures. Le brave Elua et ses apôtres ont décidé de changer la face du monde par la sensualité.
« Aime comme tu l’entends. » est désormais le crédo du nouveau messie et en ce qui concerne l’acte d’amour, il s’agit d’assurer autant la qualité que la quantité.
Notre jeune héroïne est donc une disciple de Namaah la courtisane, la compagne partageuse et partagée d’Elua le béni. En terre d’Ange, la prostitution est plus qu’une coutume, c’est l’un des piliers de l’état.
La jeune Phèdre vendue à son plus jeune âge à l’une des grandes « maisons » va donc découvrir la vie au travers du prisme de la sensualité. Il n’y a qu’une tare physique qui l’empêche de s’élever dans les plus hautes sphères du plaisir tarifé. Cette tare, une tache dans la paupière de l’œil gauche est la marque de Kushiel, une malédiction en quelque sorte. C’est pourtant cette distinction qui va permettre à un noble intriguant de repérer la jeune femme et de la faire travailler à son propre compte.
Très rapidement la jeune femme devenue objet de convoitise allie les plaisirs charnels et l’espionnage pour le compte de son nouveau maitre. Puis soudain son destin bascule, les trahisons s’enchaînent et les complots font éclore leurs fleurs vénéneuses. Phèdre se trouvera alors propulsée au cœur des intrigues.
Si j’avais découvert ce livre à l’adolescence, peut-être m’aurait-il laissé un meilleur souvenir. Je n’y ai trouvé qu’un prétexte à exciter la concupiscence des jeunes boutonneux. La moindre occasion est bonne pour mettre en scène les prouesses sensuelles de la belle héroïne.
En dehors de ce côté bassement reptilien, les intrigues sont finalement assez simplistes et la destinée du royaume se joue à quelques coups de théâtre peu crédible. Au milieu de tout ça, Phèdre tient immanquablement le rôle de last-women-standing, seule à mesure de dénouer les machinations.
Pour résumer, du sexe assez primaire teinté de masochisme purulent, des intrigues emboitées comme des matriochkas discount et une héroïne omniprésente et indispensable à la bonne marche du monde. Sans oublier la galerie de personnages qui pour se prétendre crédible tient du bottin mondain.
J’en ai vu suffisamment pour ne pas vouloir découvrir la suite.

vendredi, octobre 15, 2010

Un oiseau frigorifié…

Il est des côtes déchiquetées que le géographe reporte consciencieusement sur sa mappemonde mais que pour rien au monde il ne souhaiterait visiter. Grâce à l’Internet et aux satellites le géographe moderne peut mesurer l’arctique sans quitter son douillet bureau parisien.
A première vue, cette critique partage avec les étendues glacées du grand nord un point commun, une blancheur immaculée. Mais, tout comme l’été fait fondre les neiges que l’on croyait éternelles, l’imagination permet de vaincre l’angoisse de cette page trop blanche. Voilà que les premiers mots apparaissent, que la route familière se révèle. Un exercice de style pour introduire un travail de mercenaire de la critique. En guise de hors d’œuvre cette mise en abyme du livre que je m’apprête à commenter, une ballade Au nord du monde, brillamment contée par Marcel Théroux.
Pris une fois de plus dans les filets de la « masse critique », j’ai troqué une autre partie de mon âme, bradant ces quelques lignes en échange d’un livre gratuit. Au moins me voilà tenu par un contrat, un coup de pied pour sortir de ma léthargie et retrouver les touches poussiéreuses de mon clavier.

C’est au final un petit roman que celui que j’ai reçu. Présenté comme une chose toute simple, sans prétentions, pas un joyau littéraire ni de grandes réflexions sur la condition humaine. Juste une petite histoire, et pourtant…
… pourtant le romancier, en véritable alchimiste, a su transformer des taches d’encre inanimées en personnages bien vivants dans ma tête. Depuis, Makepeace Hetfield, la narratrice solitaire ne me quitte plus.
Une véritable héroïne de papier, paradoxe ambulant qui déteste lire mais vénère les livres. Il faut dire que le monde dans lequel vit Makepeace ne laisse guère de place à l’oisiveté des choses écrites. En Sibérie l’enfer vous brûle comme la glace et le froid, près de dix mois par an. Dans ce grand nord on ne regarde pas son prochain comme une promesse d’espoir mais comme une cible qu’il s’agit de garder dans son viseur.
Le monde de Makepeace, a vu la civilisation s’effondrer. Les derniers restants ou devrais-je parler de rebuts de l’humanité semblent s’être réfugiés dans le grand nord et luttent pour survivre. Entre la violence du climat et la violence des hommes, l’espoir semble condamné.
Notre narratrice aura passé des années à tenter de faire régner l’ordre en tant que sheriff, pour finalement se retrouver face aux fantômes, seuls habitants des ruines de son village. Pourtant, les parents de Makepeace étaient venus dans le grand nord en quête du paradis.
Toute une génération, usée par les pièges de la civilisation, partis en masse tels des colons modernes dans le nord de la Sibérie. Ils espéraient renouer avec la vérité d’un retour aux sources. Je ne gâcherais pas ta surprise, oh toi lecteur potentiel...
… globalement, on peut dire que ça s’est trèès mal passé, que le monde s’est effondré autour d’eau. Ce roman ne raconte pas la chute de la civilisation, mais simplement le destin d’un personnage, désabusé par la traversée de l’horreur. La fillette ayant grandi dans le simple et le rustique se mettra à rêver par la promesse de la vie moderne et de la technologie, rêvant de ce monde perdu qu’elle ne connaitra jamais.

Jusqu’au jour ou sur le point de sombrer dans le désespoir, elle verra un avion traverser le ciel. Un avion, symbole de la modernité, véritable étoile filante pour guider ses pas vers un monde meilleur. Ce point de vue original inverse le consensus d’une nostalgie passéiste. Au poète qui rêvait d’un « Là bas, où tout est neuf et tout est sauvage, libre continent sans grillage. » Makepeace lui répondrait que « Y'a des tempêtes et des naufrages. La glace, les diables et les mirages » qu’elle connait et que franchement ça ne vaux pas le coup.
Je me répète, mais j’ai vraiment adoré le personnage principal, son mental de survivante et ça façon de se livrer à cœur ouvert sur son monde et ses sentiments.
« Etrange, à quel point l’homme n’est jamais plus cruel que quand il se bat pour une idée. On se tue depuis Caïn pour savoir qui est le plus proche de Dieu. »
L’autre particularité fascinante de ce livre réside dans sa construction. La narratrice raconte sa vie « Au nord du monde » dans son journal intime, elle vit des moments intenses, pour la plupart atroces, trop difficiles pour être détaillés dans l’instant. Puis, à mesure que d’autres horreurs plus récentes se produisent, elle livre petit à petit son passé.
Ce roman, fût pour moi une surprise, j’avais laissé le hasard de la masse critique choisir pour moi. Une délicieuse surprise, telle une crème glacée dont le parfum persiste longtemps dans le palais.

lundi, août 23, 2010

800 pages plus tard, un crime ou un châtiment ?

Dors sur tes deux oreilles, gentil citoyen, car le crime ne paie pas. Continue de te bercer de l’illusion collective de l’esprit des lois, construction intellectuelle qui protège et rassure. La pression des normes sur le plus grand nombre assure la stabilité de l’édifice complexe de notre société bien plus que tous ces législateurs bedonnants, que tous ces magistrats travestis par leur belle robe noire, bien plus que les basses cours de volaille bleutées.
Bien plus que les forces répressives, ce sont nos propres conditionnements qui nous remettent dans le droit chemin. La thèse du jeune Raskolnikov soutient que seuls les hommes d’exceptions ont cette force d’esprit qui les affranchis des lois des hommes, qui leur permet de considérer l’ignoble comme un simple détail d’une perspective plus grandiose.

Pour les trois du fond qui ne suivent pas, je dois préciser que je m’apprête à commenter le Crime et Châtiment de Fédor Dostoïevski. Ce n’est pas un orgueil démesuré qui me pousse au crime de critiquer un chef d’œuvre accepté comme tel par la postérité. Les lois de l’attraction terrestre me poussent à l’action, la masse des livres à commenter conjuguée à la piètre solidité de ma nouvelle étagère annonce le drame. Une illustration du poids des mots ?

Trêve de digressions, revenons au sujet de cette chronique. Le crime et le châtiment résume avec peu d’originalité le contenu de l’œuvre. Le premier tiers nous présente donc le crime. Voici Raskolnikov, jeune étudiant brillant expulsé de la bonne société par le balai de la misère qui sait si bien nettoyer nos rues et repousser dans le caniveau les moins chanceux. On change nécessairement d’avis sur nos contemporains lorsque que l’on est soumis au froid et à la faim. La condition du narrateur le libère du carcan des lois des hommes et lui offre l’opportunité de vérifier ses théories sur la grandeur d’âme.
Résumons-nous, un crime résulte de la conjonction d’une intention criminelle et de son exécution. Et Raskolnikov le prémédite avec attention son meurtre. Tout d’abord comme un jeu de l’esprit, puis petit à petit comme une potentialité, enfin comme une nécessité. Pour se prouver qu’il fait lui aussi partie de cette élite au dessus des lois et accessoirement pouvoir manger un peu, se chauffer, survivre. Il choisit sa victime avec soin, pour sa richesse, mais aussi pour son caractère. Une prêteuse sur gage acariâtre ne manquera à personne, encore moins à ses débiteurs.

Quelle que fût la pertinence de ses hypothèses, l’histoire montrera à Raskolnikov l'étendue de son erreur. La suite du roman présente donc son châtiment. On s’improvise difficilement criminel et malgré son intense préparation notre meurtrier flanche face à l’imprévu et son expédition frôle le désastre. Il ne récolte rien de son crime, pas d’argent et préfère se débarrasser des quelques objets de valeur transformées en autant d'encombrantes pièces à conviction.
La santé du narrateur vacille à mesure que sa raison sombre et qu’il s’inflige de lui-même son châtiment. Tandis que sa vie semble vouloir prendre un nouveau départ, son comportement devient lunatique et paranoïaque.
Voulant protéger son sombre secret qui lui ruine l’âme il s’affiche comme suspect et même coupable aux yeux de tous.

On vous l’aura dit, le crime de paie pas, notre esprit torturé sait se montrer plus féroce que le plus abject des bourreaux.

Ce livre, malgré son final absurde m’aura prouvé une chose. Le miroir a bien raison de me renvoyer l’image d’un intellectuel snobinard à lunettes. Parce que dit comme ça, la littérature russe du XIX ième siècle, j’aime bien. J’aime bien cette écriture simple, brutale et directe, ce sentiment de pénétrer au plus profond des pensées du narrateur. J’aime bien rester oublier les centaines ou les milliers de pages, porté par le récit. J’aime bien cette description d’une époque qui malgré les apparences ressemble si bien à la notre.

Il parait que Nabokov positionnait Dostoïevski comme une sorte de niveau zéro de la littérature, qu’il fustigeait les comportements schizophrènes de ses héros. Vrai ou pas, moi j’aime bien.

vendredi, juillet 23, 2010

L'admiration d'un oiseau chanteur reste une chose fragile

Il y a quelques années de cela, avant que je ne me décide à ouvrir ce blog et y raconter mes expériences livresques, j'avais reçu un véritable électrochoc au travers d'un bouquin. J'avais découvert un auteur, mais plus encore j'avais trouvé un modèle pour ma plume en herbe.
Il s'agissait de Neverwhere, écrit par le fabuleux Neil Gaiman. L'explorateur curieux pourra fouiller les branches de mon arbre et retrouver la petite feuille ou j'évoque l'ouvrage et dans laquelle je le place à la première place de mon panthéon personnel. Malgré les autres découvertes et révélations de ces dernières années, le livre et son auteur sont restés indétrônables.
J'aime l'imaginaire de Neil Gaiman, j'admire sa connaissance encyclopédique des mythes et des légendes, je me prosterne devant son talent et la magie de ses contes de fées modernisés, puissants, dramatiques et oniriques. A l'instar des groupies face à la belle gueule d'un chanteur de variétés douçâtres, je perds toute raison devant mon romancier favori.
La parution d'un nouveau livre de sa plume est chose rare et imprévisible. Et soudain, au détour d'un rayonnage chargé de papier, je l'aperçois. Le désir monte alors et je me soumets docilement à l'acte d'achat, tel une preuve de ma soumission. Mes autres lectures en cours sont alors oubliées, délaissées, le temps que je comble ma soif.
Mais la gloire et l'estime ne reposent finalement que sur des Choses Fragiles, tel est le titre du dernier livre de Neil Gaiman que je m'apprête à critiquer.

Première constatation, il s'agit d'un recueil de nouvelles. J'avais adoré son premier recueil Miroirs et Fumées. Surtout, que mu par une sorte de d'égocentrisme de bon aloi, Neil Gaiman se fend toujours d'une préface à rallonge dans laquelle il présente ses textes. Petites anecdotes, réflexions sur la quête de l'inspiration, tranches de vie et parfois il révèle ses trucs de magicien, quelques recettes qui rendent ses textes exceptionnels. Lire la préfaces à postériori éclaire souvent les nouvelles d'une lumière originale, échauffe l'imagination, raccourcit la distance entre le créateur et ses fidèles.

Je me suis donc attelé à lire la première nouvelle, la rencontre entre le monde de la logique froide du célèbre Sherlock Holmes et les tentacules visqueux de H.P. Lovecraft. Si le texte est bon, j'avoue avoir été déçu de découvrir par la préface que le thème original et excitant n'était qu'une contrainte imposée d'un appel à texte.
La qualité des textes est inégale, elle oscille entre le moyen et le très bon. Si l'art du maitre transpire à chaque page, je n'ai pas trouvé trace de l'exceptionnel auquel j'étais habitué. Parfois Neil Ga
iman reconnaît avoir raclé les fonds de tiroirs, remplis de vieux textes non publiés et à peine remaniés afin de remplir le recueil.

Il reste quelques perles comme cette histoire de zombie, ces poésies pleines de rythme, autant de trouvailles qui me réjouissent et me confortent dans mon adoration pour le romancier. Peut-être suis-je partial ? Que je ne veux pas voir la flamme du talent qui s'étouffe ? Il n'empêche que je suis resté un peu sur ma faim.

Malgré tout, le moindre des brouillons de Neil Gaiman surpasse aisément les textes dont je me contente habituellement. Quand on est monté aussi haut, il faut du temps pour redescendre.


Comme mon voyage en train s'éternise, que ma pile de livre à critiquer reste conséquente et qu'il me reste encore un peu de batterie dans mon ordinateur et un peu d'encre dans mes stylos, je profite de ce billet pour faire une autre revue d'un espoir déçu.

Autre révélation littéraire de ces dernières années, j'avais trouvé avec Dennis Lehane un autre modèle d'écriture. Un génie sachant manier le verbe pour donner à ses personnages une profondeur que les hommes pourtant bien réels n'ont souvent pas, sachant manipuler l'intrigue pour toujours surprendre ses lecteurs, capable de ciseler des dialogues mémorables.

J'ai donc retrouvé avec beaucoup d'espoirs le duo de détectives qui m'avait ému avec Un dernier verre avant la guerre, je suis retourné le temps de quelques pages arpenter le bitume de Boston au travers d'une nouvelle enquête.
Avec Ténèbres, prenez-moi la main, nos détectives vont se retrouver mêlés à une vieille histoire de crimes en série dont le dossier va se rouvrir brutalement par de nouveaux meurtres. Le romancier explore un peu plus le passé de ses personnages qui sont beaucoup plus impliqués dans cette affaire qu'ils ne le prévoyaient. L'histoire est beaucoup plus sombre, plus violente mais finalement un peu facile.

J'ai été déçu, j'attendais du Dennis Lehane, j'ai trouvé un roman policier bon mais plutôt classique, une histoire qui surfe sur la vague toujours commerçante des Serial-Killer. J'ai trouvé un peu de surenchère gratuite, mais surtout je n'ai pas vraiment retrouvé ce sens de la répartie que possédaient les narrateurs, comme si eux non-plus n'y croyaient pas vraiment.

Encore une fois, j'ai été un peu déçu par rapport au potentiel de l'auteur, mais le livre reste quand même très valable. C'est juste que l'on espère toujours plus.

mardi, juillet 20, 2010

Songbird looking for happiness…

Nous autres les oiseaux nous contentons de peu, survivre à l’hiver, trouver de quoi manger, partager de tendres moments avec l’oiselle de nos rêves, échapper aux instincts ataviques des chats en maraude. Tout cela suffit à notre bonheur.
L’autre soir je m’étais égaré dans la douceur nocturne des soirées estivales lorsqu’un filet de musique se fit entendre. Attiré par les rythmes trainants et la beauté des accords mineurs, je remontais à tire-d’aile la mélodie à sa source, un groupe qui se produisait en plein air, attirant les oiseaux chanteurs dans mon genre, tel un phare au milieu de la nuit.
Du haut de ma branche, je profitais du spectacle et contemplais le paradoxe de l’humanité. Les musiciens swinguaient sur les notes bleues pour exprimer leurs peines et leurs malheurs, tandis que la foule se pressait pour danser. On prétend que passé les besoins prima
ires et vitaux, l’être humain ne recherche qu’une seule chose, le bonheur. Et le voila qui se dandine gaiement au spectacle étalé de la tristesse.
Avec orgueil, Laurent Gounelle intitule son prétendu roman l’homme qui voulait être heureux, mais n’est ce pas le désir de l’humanité toute entière ? Cette même humanité qui se complait dans la fange de son malheur ?
Je me suis fait offrir par hasard ce livre. Et donc je l’ai lu. Première constatation, si on le trouve au rayon des fictions, ce n’est qu’une ruse pour attirer le client, ce n’est pas un roman. La quatrième de couverture évoque Bali, l’un des derniers paradis terrestres, elle esquisse la rencontre initiatique entre deux mondes, celui du touriste désœuvré et celui du gardien de la sagesse.
Force m’est de constater que tout ceci n’est qu’un prétexte. Tout comme les vénérables textes de Platon présentaient de manière ludique les fondements de la philosophie classique, les rencontres avec le vieux guérisseur ne sont qu’un habillage pour véhiculer les leçons un peu désuètes du développement personnel.
S’il est un rayon que j’ai tendance à éviter dans les librairies c’est bien celui qui parle du développement personnel. En dépit de mes aspirations romanesques, j’ai malheureusement cessé de croire au père noël. J’aimerais y croire, j’essaie d’y croire mais je SAIS qu’il n’existe pas. Alors tous ces manuels qui prétendent en quelques centaines de pages donner un mode d’emploi pour résoudre les problèmes personnels, ça me laisse songeur. D’une part de telles entreprises me paraissent impossibles, mais surtout les auteurs de tels ouvrages me semblent plus attirés par l’argent que par le bonheur de leur prochain.
Et le livre de Laurent Gounelle me conforte dans mes opinions. Le propos oscille entre le fantaisiste et le gentillet mais un peu niais. La profondeur de la réflexion m’évoque la pataugeoire de la piscine municipale, on ne risque pas de s’y noyer, à moins d’avoir moins de trois ans.
Les pigeons ne sont pas de bons oiseaux chanteurs, ils sont trop crédules. Si l’aspect mercantile de les détrousser par des rêves comme L’homme qui voulait être heureux me chatouille un peu, je dois rester honnête et arrêter de tirer sur l’ambulance.
Même si le fond du propos de ce livre à savoir "quand on veux, on peux" reste simpliste, il est très positif. Il y a d’autres sujets plus valables pour s’indigner. Après tout, si cela agit comme un placebo et améliore la vie des gens qui y croient encore, pourquoi pas. De fait, le livre est très agréable à lire, les anecdotes et pensées du guérisseur m’ont parfois poussé à réfléchir. On s’identifie facilement avec le narrateur et l’on finit de bon cœur le livre.
Je ne le recommanderais certes pas à l’achat, sans pour autant condamner sa lecture. Les oiseaux aussi ont leurs paradoxes. Le concert est terminé, il est temps pour moi de rentrer au nid. Trouver le bonheur en compagnie d’une madame oiselle, probablement fâchée de me voir rentrer si tard.
Piou-piou got the blues !

vendredi, juillet 16, 2010

Un oiseau perdu le long du Mississipi

Ecrire pour ne pas oublier. Ne pas oublier ce blog que je délaisse, ne pas oublier cette pile qui n’attend que mes revues, ne pas oublier le frisson du poète lorsque le verbe s’ajuste, ne pas oublier d’entrainer ma plume devenue paresseuse, ne pas oublier ces projets qui s’entassent, ne pas oublier qu’écrire c’est vivre.
J’ai trop longtemps différé cette revue de lecture, laissant les mois effacer mes souvenirs, tels des vagues sur le sable mouillé de ma conscience. Qu’importe, je vais prendre mes aiguilles et puis broder, n’est ce pas le métier de l’écrivain ?

Je souhaitais évoquer Riverdream, un livre qui sent la sueur et les moustiques, la vase et le charbon, un livre qui prend pour cadre le Mississipi durant la grande époque des bateaux à vapeurs. J’avoue que ce n’est pas la toile de fond pourtant romanesque en diable qui m’a attiré, ni même la perspective avouée à demi mot dans la quatrième de couverture de retrouver des vampires à la conquête du nouveau monde. Non, je ne me suis fié qu’au nom de l’auteur, George R. R. Martin, celui-là même dont j’ai déjà dit tant de bien au sujet de son Trône de fer.
Pour couper court au suspens, si le romancier frise le génie dans sa saga médiévale, il se contente d’une mention passable pour le reste. Le livre décrit de manière assez prenante la vie le long du fleuve, rythmée par le passage des bateaux, signe d’une base documentaire riche, sans pour autant rendre la lecture pédante.

Après, le hic, c’est l’intrigue, ou plutôt l’absence d’intrigue. Dès la quatrième de couverture, le lecteur attentif aura flairé le thème de l’histoire. A savoir un mystérieux commanditaire qui fait affréter un bateau à un capitaine ruiné. Curieusement, ledit commanditaire pose en condition suspensive à l’accord, l’interdiction de le déranger pendant le jour, ledit commanditaire ne mange jamais avec les hommes du navire, ledit commanditaire à le teint pâle et une mémoire qui s’étale sur plus d’un siècle.
Tout le monde aura deviné qu’il s’agit d’un vampire. Non ? Tant pis pour vous, vous êtes à l’image du protagoniste principal, ledit capitaine ruiné qui refuse de comprendre l’évidence malgré les preuves qui s’accumulent.
Alors vous vous demandez pourquoi un vampire veut posséder son propre bateau et se promener le long du fleuve ? Moi aussi, je m’étais posé la question. Au risque de déflorer un secret de polichinelle, ledit vampire a trouvé le moyen de guérir ses frères de la malédiction qui les oblige à se nourrir du sang humain. Et il utilise le Mississipi comme navette pour répandre la bonne nouvelle dans le pays.
Mince comme intrigue, non ? Allez hop, j’en rajoute une autre, l’histoire du vieux vampire très très fort et très très méchant a qui ça plait de terroriser les pauvres humains en leur suçant le sang. Voilà vous savez tout, on passe 500 pages à attendre un ressort dramatique un peu plus consistant, peine perdue !

Dommage, car les personnages étaient intéressants et relativement bien campés. Dommage car George R.R. Martin aborde le mythe du vampire d’une manière assez originale et novatrice. Dommage car j’attendais franchement mieux de lui, avec son talent et ses bonnes cartes en mains, il se révèle bien mauvais joueur et ne rafle pas la mise.

mercredi, mai 05, 2010

Dernier vol avant la nuit...

[Avertissement] Attention, ce texte à reçu le label du Parti pour une Ecriture Durable et Environnementale (une écriture de PEDE pour les intimes). En conséquence de quoi, il est garanti sans smiley importé de l'autre bout de la toile, il n'a pas impliqué le travail de jeunes émoticônes asiatiques, ni d'autres symboles génétiquement modifiés pour clignoter ou briller la nuit au détriment de la consommation électrique. J'en appelle à la sagesse du lecteur averti (ça tombe bien on est toujours dans la section avertissement) pour identifier tout seul l'ironie, le second degré et parfois même l'humour qui peuvent parsemer le texte. D'autre part, des rumeurs persistantes font état d'une très large part d'autodérision dans les lignes qui vont suivre.
Attention, ce texte a été écrit initialement pour un forum de parapente, ceci explique mais n'excuse pas les termes et références au milieu. Vous voilà donc prévenus !



TOI !
Oui Toi, attiré par ce titre ronflant et prétentieux, attiré par la flamme du tragique comme un papillon de nuit. Toi qui n'a rien d'autre à faire pendant la journée que gâcher la confiance et l'argent de ton employeur. Oh, ça te concerne aussi petit malin, toi qui ne découvre ce message que le soir venu, n'as-tu pas une copine, une femme ou un poisson rouge dont il faudrait t'occuper avec amour et attention plutôt que de rester là, à lire les élucubrations numériques d'un camarade virtuel ?

Si tu es encore là, tu as déjà répondu à la première question, présentement tu n'as rien de mieux à faire que glander sur le net. Ca tombe bien, moi non plus.
Te voilà donc ici pour partager une expérience hors du commun. Tu as bien fait de rester. Tu t'apprêtes à découvrir au travers de ce récit quelque chose qu'à ma connaissance aucun parapentiste n'a jamais fait. J'ai repoussé les limites du possible vers des horizons nouveaux et fantastiques.

Il y a dans le domaine du parapente un bizutage assez fréquent qui veut que l'apprenti volant se sente obligé d'imposer à un public blasé le récit de son premier grand vol. Pour la peine, il aligne les superlatifs, les "extraordinaire" et autres "moment magique" de "liberté absolue" de "se sentir voler comme un oiseau".
Hey gars, t'as atterri, c'est bon ?
Alors remet les pieds sur terre. Tu t'es juste retrouvé en sac à patate confortablement installé sur une chaise longue suspendue à des ficelles. Avec un gus à la radio qui te disait quand tirer la ficelle gauche et quand tirer la ficelle droite. Pas de quoi en faire un roman non plus.

Il y en a qui continuent après de raconter leurs petites histoires et leurs vols. C'est le plus souvent présenté comme des récits "pour partager" (rendre jaloux, ouais) ou alors "pour apprendre aux autres" (à traduire par "se la péter") ou encore "pour garder une trace" (pas dans le fond du slip, ces prétentieux prétendent marquer la mémoire collective avec leur "cross" de quinze bornes le long des crêtes à mouettes). En bref, désolé pour les filles (surtout pour celles qui s'adonnent à l'exercice) mais c'est surtout un moyen de voir qui à la plus longue (il y en a même qui prétendent en avoir une de plus de 400 bornes ou capables de faire 281 fois le tour du slip).
On en trouve, parmi les plus atteints, des qui s'essaient à l'humour en narrant leur frustrations de vol de courte durée et leur changements de matériels dans des récits aussi pathétiques qu'inintéressants.

Et puis il y a ces autres histoires, beaucoup moins drôles. Les histoires de ceux pour qui le parapente s'arrête provisoirement ou définitivement suite à l'accident. Ceux qui terminent leurs derniers cross ou leur dernier tour de SAT en y laissant leurs jambes quand ils ne finissent pas six pieds sous terre parmi les taupes que nous avons tous côtoyé une paire de fois. Je ne commenterais pas ces récits, car ils ne me font pas rire et j'ai tendance à les éviter.

Pour en revenir à quelque chose de plus léger, je disais qu'au travers de ce récit vous allez découvrir quelque chose qu'à ma connaissance aucun parapentiste n'a jamais tenté. On trouve donc plein de récits de premières fois, de vols, ou de ces derniers vols se terminant dans des circonstances tragiques. Et bien je vais également vous raconter mon dernier vol. Malgré une paire de péripéties et un final pour lequel j'éprouve une certaine honte, il ne m'est rien arrivé de fâcheux. Je pense que c'est une première. Je soupçonne les autres ayants arrêté l'activité de s'être désintéressés du vol libre en général. Ce n'est pas mon cas, et je continue moi aussi à gâcher l'argent de mon employeur en passant bien trop d'heures de bureau à lire les péripéties de mes camarades volants. Surtout que ce printemps est pour le moins riche.


Il parait qu'il ne faut jamais dire jamais, mais ce texte tient aussi lieu d'épitaphe dans ma vie de parapentiste. Voilà mon dernier vol avant la nuit...

Et pour donner dans le côté symbolique et marquant, j'ai volé le dernier jour de validité de ma licence soit le 31 décembre 2009. La fin d'une année, la fin d'un monde, le tout dans un autre hémisphère, au milieu de l'océan indien.

Ce n'était pas une si grande nouveauté pour moi, j'avais déjà volé à la Réunion. A l'époque, jeune volant tout fraichement émoulu d'une vingtaine de ploufs, j'en avais rajouté deux à mon carnet de vol, sous le soleil de l'ile Bourbon, émerveillé par le survol d'un lagon turquoise, le spectacle des tortues et la magie de poser sur la plage.

Il faut que je fasse un mini point pour tous les pauvres qui n'ont pas l'opportunité de saloper l'atmosphère avec des vols longs courrier pour saccager des destinations exotiques. D'ailleurs, je me suis toujours demandé comment ils pouvaient investir dans du matos fiables pour se jeter dans le trou ces pauvres sans être contraints de manger des pâtes pour le restant de leurs jours, ce à quoi on m'a répondu qu'il y avait un rapport de cause à conséquence. Le corollaire serait qu'en tout mangeur de pâte il y a un parapentiste qui sommeille ?
Oups je m'égare, donc un bref topo sur le vol sur l'ile de la Réunion. Comme son nom l'indique il s'agit effectivement d'une ile pour les trois du fond qui suivent. En gros c'est une montagne posé en plein milieu de nulle part sur l'eau.
Vu que le vent dominent se ballade toujours dans le même sens, il y a un côté exposé au vent où en gros il pleut tout le temps. Et un côté sous le vent ou en gros il fait beau tout le temps.
On vole donc sous le vent, dit comme ça, ça pique un peu au début, mais on le vit très bien. Surtout que le reste de l'ile protège pas mal dudit vent dominant.
Dernière particularité, c'est que le temps se couvre assez vite dans les hauteurs, les journées débutent souvent sans un nuage tandis qu'à midi il pleut sur les hauts.

Donc pour voler là bas, c'est conseillé de voler tôt. C'est encore pire si tu veux décoller de haut. Il faut carrément investir dans un réveil avec une alarme musclée. Ben oui, parce qu'en tant que touriste, tu fais la fête tous les soirs, et comme tu veux goûter les spécialités locales à base de canne-à-sucre tu finis dans un état second (voire troisième). Et encore, j'ai pas parlé du Zamal (mais pour le coup, je n'en aurais pas tâté).
Tout est que me concernant, le réveil j'ai eu du mal à l'entendre. Et que donc, jour après jour, je me disais trop tard pour voler, j'essaierais demain.
Pour le dernier jour sur place, le 31 décembre, j'ai réussi à me lever mais j'étais de corvée shopping au marché créole. Joies de la vie de couple,me voilà perdu au milieu d'un marché pas aux odeurs étranges plutôt que de profiter des premiers thermiques. Argh, j'ai eu beau presser l'affaire on a terminé seulement à 11h. Qu'à cela ne tienne, c'était la dernière occasion où jamais. Et puis je l'avais tellement fantasmé ce vol. Accessoirement j'avais tellement galéré pour convaincre ma moitié de l'opportunité de sacrifier notre quota de bagage pour emmener ma voile.
Donc je suis allé voir, aux Colimaçons (le spot facile pour voler là-bas, pas forcément le plus beau, il est normalement suffisament bas pour permettre de voler toute la journée). Avant de monter, le plafond baissait petit à petit mais ça volait encore, youpeeee...

C'est parti, je ne me souvenais plus que la navette était aussi longue. Pendant ce temps là tous les parapentistes finissaient par se poser. Plus inquiétant encore, je n'en voyais pas d'autres repartir. Et pour cause, arrivé sur place, les barbules grises se baladaient tout juste une dizaine de mètres au dessus de la tête. Mais bon, vent pas trop de travers, assez soutenu mais régulier, pas de moutons sur la mer (on m'a dit qu'à la Réunion, fallait pas voler quand il y avait des moutons sur la mer, chais pas pourquoi, peut être que les parapentistes réunionnais sont allergiques aux kébabs).


Une fois tout déballé, le vent s'était bien renforcé et carrément orienté sud, donc plein travers. Ouuups! J'ai définitivement oublié la petite voix qui me disait, "Tibô, c'est pas très raisonnable ce que tu fait" car la deuxième petite voix me disait "Allez Tibô, c'est pas pire que sur les sites de soaring comme à la dune ou à Allevard, t'as déjà volé avec plus de vent, et puis en plus il est tout laminaire, facile non ? Et puis tu vas pas repartir avec des regrets".

Histoire d'évaluer la situation, je fais un peu de gonflage. C'est pas évident en travers de la pente, mais ça peut le faire. Première erreur, je n'étais pas, mais absolument pas sur un site à soaring, pas assez de pente.


Je m'élance et je me mange une grosse fermeture au moment de réorienter la voile dans la pente (oui, c'est définitivement travers). Qu'à cela ne tienne, je vais donc décoller de travers mais face au vent. Deuxième erreur.

Donc en quelques pas ça décolle, yesssss !



Mais bon, il y a du vent quand même. Et la Mojo, c'est pas la Faïal. Ca a un côté tracteur assez prononcé. Ca pardonne tout, ça bouge pas, mais dieu que c'est lent.
En l'occurrence je peux affirmer qu'il y avait entre 25 et 35 km/h de vent. Suffisamment pour scotcher net une Mojo(voir même la faire reculer par moment).
Par contre il n'y avait pas assez de vent et/ou de pente pour tenir en dynamique.
Du coup j'avançais à la vitesse d'un escargot neurasthénique et à une hauteur d'une poignée de mètres (c'est quand même très rare les escargots volants, il faut le souligner).
Mais de pente après le déco, il n'y en avait guère plus, ce n'était qu'un immense champ de canne à sucre. Fort heureusement pour moi, ce n'était que des jeunes plans sous mes pieds.

Parano et peureux, je maintenais aussi une bonne présence aux freins. Surtout qu'il y avait de-ci delà des bullettes assez costauds (enfin pas suffisamment pour me permettre de prendre véritablement de la hauteur).

Comme ça j'arrivais à la fin du champ de canne à sucre, en me disant que définitivement, c'est beaucoup mieux une fois distillé en bouteille, pi avec un peu de menthe, de citron vert, de limonade et beaucoup de glace. J'avais gagné approximativement une altitude relative de trois mètres. Le hic c'est qu'en contrebas du champ, il y avait une bonne rangée d'arbres. Exactement le genre à faire trois/quatre mètres de haut.

Option 1, je relâche les freins, j'accélère un poil et j'essaie de passer en force.
Mauvaise idée, soit ça ne passait pas et je me trouve sous le vent (un vent quand même bien soutenu, le lecteur attentif l'aura remarqué). Soit ça passait trop juste et je me retrouve perché en haut des arbres. Pas pratique pour redécoller. Soit avec un peu de chance ça passait, mais vu qu'il n'y avait toujours pas beaucoup de pente, je risquais de me retrouver à poser dans un endroit absolument pas fréquentable. J'ai déjà posé dans le Manival, tester l'atterrissage dans les ravines Réunionnaises ne me tentait pas vraiment.

Du coup, j'ai pris l'option 2 je me suis posé délicatement (en faisant du surplace c'est facile) entre deux rangées de canne à sucre, sans saccager le champ.

Et j'ai donc remonté la pente. C'est fou comme dans l'autre sens, elle parait plus raide. Le 31 décembre à la réunion, c'est la saison chaude et humide, il devait faire dans les 35°, il y avait bien 200% d'humidité dans l'air. Avec ma voile en bouchon sur l'épaule, en jean. Le bonheur.

Quelques litres de sueur plus tard, je termine ma montée dans le brouillard, visiblement le nuage avait continué de descendre pendant que je faisais mumuse en quasi statique au dessus du champ. Au cas où, je ré-étale mon matos, je profite des rares moments ou le nuage daignait remonter un brin pour gonfler et vérifier ma voile. Infatigable la tite mojo, toujours parfaite.
Le vent continuait à ronfler et je n'ai pas réussi à retrouver de nouveau créneau avec plus d'une minute de visibilité sur la mer. C'est donc très désappointé et un peu amer que j'ai tout replié. C'était probablement mieux ainsi.

Pour mon dernier vol, je n'aurais pas survolé ni lagon ni tortues, j'aurais juste profité encore 5 minutes "extraordinaires" de ce "moment magique" de "liberté absolue" de "se sentir voler comme un oiseau".

Enfin bon, je me suis bien rattrapé quelques heures plus tard sur la canne à sucre, en bouteille cette fois. Et puis c'était le réveillon. Petite dédicace pour ceux qui affectionnent les ballons brésiliens lors de la coupe Icare. Une fiesta sur la plage de St Gilles, dans son genre c'est aussi un "moment magique". Ca vole aussi mais c'est beaucoup plus calme.



Maintenant que j'ai écarté les curieux avec ce récit pataud, je peux en venir aux choses sérieuses et passablement polémiques. Avec le recul, je vais essayer d'analyser pourquoi j'ai arrêté le parapente. Les vraies bonnes raisons, les psychoses et tout ça.

Aller hop, je vais redemander un Dédé un ballon de rouge et vous expliquer ma vision du monde et faire un peu de psychologie de comptoir. Ca tombe bien j'y connais rien (s'il fallait s'y connaître pour parler de quelque chose, qu'est ce qu'on s'emmerderait).

Si on remet les choses à leurs justes valeurs, je n'ai qu'une seule raison qui ma poussé à arrêter l'activité. C'est tout bêtement la disparition du plaisir que je prenais à voler. Tant que l'activité reste un loisir et non un travail, le plaisir doit en rester le moteur prépondérant.
Le plaisir peut être immédiat, comme avec une tartine de nutella, faire coucou aux randonneurs vus d'en haut, profiter d'une vue somptueuse habituellement réservée aux oiseaux, envoyer un bon troicisse...
Le plaisir peut aussi être projeté, et c'est parfois tout aussi bon d'imaginer le bonheur qu'on va retirer d'une activité, comme lorsque je ressors de la FNAC avec un sac plein et un compte en banque vide, que je furetais sur le net à regarder les sites météo pour déterminer la journée et le site qui allaient le faire, lorsqu'on se serrait à 4,5, 6 ou sept et autant de parapentes dans une pauvre petite voiture pour monter au déco...

En l'occurrence, de ces deux aspects du plaisir, il ne me reste que les ruines d'une splendeur passée. Le bel édifice anéanti par la peur et la frustration, comme autant de catastrophes naturelles pour la confiance en soi.

Avec le recul que j'ai depuis près de six mois, je vais essayer de remonter le temps pour analyser mes derniers vols. Pas grand-chose à dire du dernier vol à la Réunion relaté au dessus. Je n'aurais pas du essayer j'ai été gentiment puni par ce loisir "qui pardonne si souvent".

C'est véritablement avec le vol précédent que ma décision est venue. J'ai passé bien des nuits à la mûrir au point que cela m'empêchait de dormir.
La goutte d'eau qui m'a plongé dans cette introspection insomniaque c'est mon avant dernier vol, vers midi, à Allevard.
J'en ai déjà parlé, mais juste pour resituer le contexte. Ce jour là, j'étais pas bien dans mes baskets (comme pour la plupart de mes vols précédents). Au déco, ça semblait vouloir commencer à tenir. Mon objectif était simplement de plouffer, donc pas trop de pression. Mais en l'air, sortie de déco, c'était malsain, bizarre, un peu chahuté. Pas pire, mais suffisamment pour me donner envie d'écourter mon vol (comme tant d'autres fois auparavant). J'arrive au dessus de la ville sans encombre, mais là une nouvelle séance de break-dance avec ma voile qui part dans tous les sens. Je suis super tendu, méga stressé, mais je gère à peu près le truc. Ca se calme une poignée de secondes (il faut entendre : ça bouge "un peu" moins).
Et là c'est le drame, outre les tremblements incontrôlés, je ne sens plus mes bras. Enfin je sens surtout une sensation comme les fourmillements, mais en puissance mille. Je n'ai plus aucune sensation tactile de la pression de la voile dans mes mains.
Flippant et surtout compliqué pour piloter, non ? Je ne me vois pas du tout construire mon approche au dessus de la digue dans ces conditions. C'est alors que dans le mépris le plus absolu des règles locales je vais survoler le lac (à ma décharge, j'avais encore pas mal de gaz). Bingo c'est effectivement plus calme. Mais le hic c'est que j'ai beau faire, je n'arrive pas à chasser ces maudites fourmis qui ont envahi mes bras.
Je finirais par aller me poser de l'autre côté du lac, un peu plus venté mais nettement moins turbulent. Et c'est bien dix minutes après l'atterrissage que je reprendrais mes sensations dans les mains et dans les bras.
La seule conclusion à laquelle j'ai pu arriver de ce phénomène c'est que sous l'effet de la crispation assez violente pendant les moments ou ça bougeait, j'ai du perturber les nerfs qui allaient bien pour contrôler ses avants bras.
J'ai tiré deux analyses de cette expérience. La première, c'est que je ne me sens plus bien quand je pars voler, la deuxième c'est que le stress a des vraies répercussions physiques qui me mettent en danger. En l'air je n'arrivais même plus à retirer mes mains des dragonnes, je ne serais certainement pas arrivé à trouver la poignée de mon secours, encore moins à gérer un vrac.

Je pense pouvoir remonter à l'origine de ce mal être, il se trouve quelques vols plus tôt, toujours à Allevard. Décidément, plus j'y pense, plus je me dis que ce site n'est pas sain. A l'époque j'avais un peu (pas beaucoup) plus de moral et un peu plus la niak. Un léger sud annoncé, je profite des bontés de l'école locale pour m'emmener au déco sud. Une poignée d'élèves avec des niveaux très différents me tiennent compagnie.
Sur place, l'école envoie rapidement ses stagiaires. C'est que le vent se renforce petit à petit et que ça commence à thermiquer sévère. Petite ambition pour ce vol, tourner un peu en local pour reprendre confiance, essayer de monter un peu et objectif d'essayer de monter aux Plagnes pour faire un petit touch-and-go. J'entends des gus à la radio qui ont eu la même idée, c'est donc que ça le fait. Pendant c temps là, j'attends que tous les élèves aient décollé avant de m'installer.
Quand je pars, ça c'est bien renforcé et il y a de sacrées bouffes. Impeccable pour décoller sans efforts.
En l'air changement d'atmosphère, ça bouge vraiment beaucoup. Des petites bullettes pas exploitables mais violentes qui explosent la voile. Le seul élève qui soit resté en l'air se fait littéralement démonter, sa voile fait tout comme on apprend dans les SIV, en avant, en arrière, façon montagne russe. Je suis impressionné, malgré le manque de contrôle, ça ne ferme pas.
C'est impressionnant mais pour l'instant ça va, je me maintiens. Jusqu'à ce que je rencontre une pure saloperie. Pas le temps de comprendre, j'avais l'impression que ça arrachait ma voile quand d'un coup plus rien dans les mains. Je me sens basculer en arrière. J'ai le temps de regarder en haut pour voir que ma voile ne s'y trouve plus, qu'elle est partie faire un petit tour en chiffon pour rentrer dans le sac.
Le temps semble comme figé, j'hésite, je ne comprends pas. Décro en entrée d'un truc velu ? Frontale massive ? Je sais pas, pourtant je n'avais pas trop de freins.
Tant pis il va falloir faire quelque chose, je vais essayer de temporiser. Trop tard, c'est parti trop loin, trop fort, trop devant. Je suis à la rue et pas symétrique. C'est donc fort justement parti pour une asymétrique dans les dents. Très gérable par contre, pas violent malgré le rappel pendulaire et pas de départ en rotation à déplorer (ou alors mon agripage du faisceau d'élévateur côté ouvert s'est révélé salutaire). Par contre c'est impressionnant de voir le truc se passer vu que j'avais la voile en face à ce moment là.
Passé cette sueur froide cassos en direction de la vallée. Ou c'était fort heureusement beaucoup plus calme (+1 en continu, tout doux, j'ai même hésité à aller faire du saute-mouton par-dessus Brame Farine pour poser chez moi).
Clairement, c'était ma plus mauvaise expérience de vol. Encore aujourd'hui à rédiger ce récit je sens cette boule au ventre, même si les détails sont flous, j'ai gardé intacte cette sensation de tomber, d'être au milieu du vide à prendre rendez-vous avec la faucheuse.

Avant ce vol malheureux qui a définitivement anéanti les reliquats de confiance en soi qui pouvait me rester. J'ai vécu pendant longtemps une sensation bizarre. Beaucoup trop de boulot, beaucoup de trucs perso m'arrivaient, pas le temps de
Sortir ma voile. Je volais seulement une fois par mois, pour "un vol de reprise" et pendant longtemps, j'avais cette première phase avant le vol d'angoisse. Un vol plus ou moins écourté par des conditions plus ou moins difficiles. Et à chaque fois à l'attéro j'avais cette rage de voler, qui me reprenait. Les dents qui recommençaient à pousser, l'envie folle de me battre contre les thermiques et leurs montrer qui était le patron. Mais malheureusement à chaque fois j'avais "pas le temps", "d'ailleurs je suis grave à la bourre", mais "demain j'y retourne", "la semaine prochaine c'est sûr".
Et puis un mois se passait avant que je ne ressorte ma voile.

Puis petit à petit ce sentiment euphorique post-vol a disparu, remplacé par un "posé vivant, posé content". La frustration et la jalousie par rapport aux camarades volants s'est ramenée aussi, ancrant fermement un sentiment de dégoût de soi et de cette saloperie de trouille.
Et puis finalement, quand j'ai eu de nouveau un peu le temps, je n'avais plus envie de voler. "Si c'est pour faire un plouf de 5 minutes et me faire peur, à quoi bon ?". Je me suis acharné un peu à me forcer à sortir en espérant que l'envie revienne, elle n'est jamais revenue. Au contraire je me suis fait encore plus peur (cf. les deux récits précédents).

Ce que je pense maintenant, après six mois cloué au sol.
Je continue à lire et à vivre par procuration les exploits de mes camarades volants mais je n'éprouve plus ce pincement au cœur de jalousie, voler me manque énormément, mais je n'ai aucune envie de reprendre ma licence.
En fait, je n'ai peut être pas trouvé dans le parapente ce que j'y cherchais. Vol libre à ce que l'on dit, il ne l'est pas vraiment. Ce n'est finalement pas le parapentiste qui décide de son itinéraire dans les cieux, il ne fait que grappiller des cheminements compliqués dans les miettes de ce que la météo et l'orientation des reliefs lui permettent.

En outre, ma trouille même si elle relève de l'irrationnel et du subjectif, elle a quand même des justifications profondes. Malgré tous les discours rassurant que j'ai longtemps moi-même colporté, le parapente reste un sport risqué ET dangereux. J'ai longtemps pensé que l'on maitrisait un peu le risque. Au final oui on pourrait le gérer mais non on ne le fait pas. Honnêtement, on se lasse des ploufs le matin sur site archi connu alors qu'il n'y a pas de vent météo, ni de nuages dans le ciel.
Au contraire, le parapentiste moyen cherche les conditions musclées et les turbulences, seul espoir de faire durer le vol. Et parmi ces parapentistes qui pensent avoir de l'expérience, qui pensent maitriser l'aérologie, combien ne se sont pas fait surprendre? Honnêtement, je n'en connais pas.
Et sans parler de surprise, combien d'entre nous ne prend pas de risques inconsidérés en toute connaissance de cause, à aller chercher les thermiques sous le vent, à frotter le caillou, à oublier les priorités dans la grappe, à accélérer dans les turbulences, à griller volontairement toutes ses marges ?

L'activité favorite du volant moyen en bande qui attend dans l'herbe "que les conditions s'installent" est de critiquer ceux qui décollent. Et très souvent la phrase revient, toujours la même "il a eu de la chance celui-là, il à du bol que le parapente pardonne". Je repose encore la question, qui parmi nous n'a pas bénéficié de cette chance proverbiale de temps en temps ? Qui n'a pas "grillé un jocker" ?

Il parait qu'il faut prendre des risques pour se sentir vivant. Je suis assez d'accord. Autant le gars qui saute une barre de 10 mètres à ski, qui descend un couloir de 60°, qui se tente l'Eiger a une évaluation directe de l'engagement. Autant le parapentiste ne l'a pas.

Je ne préfère pas parler du côté danger. Le bon sens paysan veut que rester suspendu avec des centaines voir des milliers de mètres de vide sous les pieds n'est pas forcément très bon pour la santé. Si la rupture inopinée du matériel est plutôt rare, une bonne cravate reste un bon moyen de trancher du tissu. La plupart des parapentes ne sont pas conçus pour sortir tout seul d'une autorotation si le pilote à un malaise. En cas de twist sérieux, il vaut mieux prier pour que le secours ait été correctement plié. Et puis le problème avec un contact violent avec la planète c'est qu'il y a souvent des cailloux tranchants qui trainent surtout dans les endroits fréquentés par nous autres.

En attendant bon vols à vous. C'est un sport passionnant que le vôtre. Continuer à faire rêver les terriens comme moi. Pour ma part, je vais en rester au macramé.