vendredi, juillet 16, 2010

Un oiseau perdu le long du Mississipi

Ecrire pour ne pas oublier. Ne pas oublier ce blog que je délaisse, ne pas oublier cette pile qui n’attend que mes revues, ne pas oublier le frisson du poète lorsque le verbe s’ajuste, ne pas oublier d’entrainer ma plume devenue paresseuse, ne pas oublier ces projets qui s’entassent, ne pas oublier qu’écrire c’est vivre.
J’ai trop longtemps différé cette revue de lecture, laissant les mois effacer mes souvenirs, tels des vagues sur le sable mouillé de ma conscience. Qu’importe, je vais prendre mes aiguilles et puis broder, n’est ce pas le métier de l’écrivain ?

Je souhaitais évoquer Riverdream, un livre qui sent la sueur et les moustiques, la vase et le charbon, un livre qui prend pour cadre le Mississipi durant la grande époque des bateaux à vapeurs. J’avoue que ce n’est pas la toile de fond pourtant romanesque en diable qui m’a attiré, ni même la perspective avouée à demi mot dans la quatrième de couverture de retrouver des vampires à la conquête du nouveau monde. Non, je ne me suis fié qu’au nom de l’auteur, George R. R. Martin, celui-là même dont j’ai déjà dit tant de bien au sujet de son Trône de fer.
Pour couper court au suspens, si le romancier frise le génie dans sa saga médiévale, il se contente d’une mention passable pour le reste. Le livre décrit de manière assez prenante la vie le long du fleuve, rythmée par le passage des bateaux, signe d’une base documentaire riche, sans pour autant rendre la lecture pédante.

Après, le hic, c’est l’intrigue, ou plutôt l’absence d’intrigue. Dès la quatrième de couverture, le lecteur attentif aura flairé le thème de l’histoire. A savoir un mystérieux commanditaire qui fait affréter un bateau à un capitaine ruiné. Curieusement, ledit commanditaire pose en condition suspensive à l’accord, l’interdiction de le déranger pendant le jour, ledit commanditaire ne mange jamais avec les hommes du navire, ledit commanditaire à le teint pâle et une mémoire qui s’étale sur plus d’un siècle.
Tout le monde aura deviné qu’il s’agit d’un vampire. Non ? Tant pis pour vous, vous êtes à l’image du protagoniste principal, ledit capitaine ruiné qui refuse de comprendre l’évidence malgré les preuves qui s’accumulent.
Alors vous vous demandez pourquoi un vampire veut posséder son propre bateau et se promener le long du fleuve ? Moi aussi, je m’étais posé la question. Au risque de déflorer un secret de polichinelle, ledit vampire a trouvé le moyen de guérir ses frères de la malédiction qui les oblige à se nourrir du sang humain. Et il utilise le Mississipi comme navette pour répandre la bonne nouvelle dans le pays.
Mince comme intrigue, non ? Allez hop, j’en rajoute une autre, l’histoire du vieux vampire très très fort et très très méchant a qui ça plait de terroriser les pauvres humains en leur suçant le sang. Voilà vous savez tout, on passe 500 pages à attendre un ressort dramatique un peu plus consistant, peine perdue !

Dommage, car les personnages étaient intéressants et relativement bien campés. Dommage car George R.R. Martin aborde le mythe du vampire d’une manière assez originale et novatrice. Dommage car j’attendais franchement mieux de lui, avec son talent et ses bonnes cartes en mains, il se révèle bien mauvais joueur et ne rafle pas la mise.

mercredi, mai 05, 2010

Dernier vol avant la nuit...

[Avertissement] Attention, ce texte à reçu le label du Parti pour une Ecriture Durable et Environnementale (une écriture de PEDE pour les intimes). En conséquence de quoi, il est garanti sans smiley importé de l'autre bout de la toile, il n'a pas impliqué le travail de jeunes émoticônes asiatiques, ni d'autres symboles génétiquement modifiés pour clignoter ou briller la nuit au détriment de la consommation électrique. J'en appelle à la sagesse du lecteur averti (ça tombe bien on est toujours dans la section avertissement) pour identifier tout seul l'ironie, le second degré et parfois même l'humour qui peuvent parsemer le texte. D'autre part, des rumeurs persistantes font état d'une très large part d'autodérision dans les lignes qui vont suivre.
Attention, ce texte a été écrit initialement pour un forum de parapente, ceci explique mais n'excuse pas les termes et références au milieu. Vous voilà donc prévenus !



TOI !
Oui Toi, attiré par ce titre ronflant et prétentieux, attiré par la flamme du tragique comme un papillon de nuit. Toi qui n'a rien d'autre à faire pendant la journée que gâcher la confiance et l'argent de ton employeur. Oh, ça te concerne aussi petit malin, toi qui ne découvre ce message que le soir venu, n'as-tu pas une copine, une femme ou un poisson rouge dont il faudrait t'occuper avec amour et attention plutôt que de rester là, à lire les élucubrations numériques d'un camarade virtuel ?

Si tu es encore là, tu as déjà répondu à la première question, présentement tu n'as rien de mieux à faire que glander sur le net. Ca tombe bien, moi non plus.
Te voilà donc ici pour partager une expérience hors du commun. Tu as bien fait de rester. Tu t'apprêtes à découvrir au travers de ce récit quelque chose qu'à ma connaissance aucun parapentiste n'a jamais fait. J'ai repoussé les limites du possible vers des horizons nouveaux et fantastiques.

Il y a dans le domaine du parapente un bizutage assez fréquent qui veut que l'apprenti volant se sente obligé d'imposer à un public blasé le récit de son premier grand vol. Pour la peine, il aligne les superlatifs, les "extraordinaire" et autres "moment magique" de "liberté absolue" de "se sentir voler comme un oiseau".
Hey gars, t'as atterri, c'est bon ?
Alors remet les pieds sur terre. Tu t'es juste retrouvé en sac à patate confortablement installé sur une chaise longue suspendue à des ficelles. Avec un gus à la radio qui te disait quand tirer la ficelle gauche et quand tirer la ficelle droite. Pas de quoi en faire un roman non plus.

Il y en a qui continuent après de raconter leurs petites histoires et leurs vols. C'est le plus souvent présenté comme des récits "pour partager" (rendre jaloux, ouais) ou alors "pour apprendre aux autres" (à traduire par "se la péter") ou encore "pour garder une trace" (pas dans le fond du slip, ces prétentieux prétendent marquer la mémoire collective avec leur "cross" de quinze bornes le long des crêtes à mouettes). En bref, désolé pour les filles (surtout pour celles qui s'adonnent à l'exercice) mais c'est surtout un moyen de voir qui à la plus longue (il y en a même qui prétendent en avoir une de plus de 400 bornes ou capables de faire 281 fois le tour du slip).
On en trouve, parmi les plus atteints, des qui s'essaient à l'humour en narrant leur frustrations de vol de courte durée et leur changements de matériels dans des récits aussi pathétiques qu'inintéressants.

Et puis il y a ces autres histoires, beaucoup moins drôles. Les histoires de ceux pour qui le parapente s'arrête provisoirement ou définitivement suite à l'accident. Ceux qui terminent leurs derniers cross ou leur dernier tour de SAT en y laissant leurs jambes quand ils ne finissent pas six pieds sous terre parmi les taupes que nous avons tous côtoyé une paire de fois. Je ne commenterais pas ces récits, car ils ne me font pas rire et j'ai tendance à les éviter.

Pour en revenir à quelque chose de plus léger, je disais qu'au travers de ce récit vous allez découvrir quelque chose qu'à ma connaissance aucun parapentiste n'a jamais tenté. On trouve donc plein de récits de premières fois, de vols, ou de ces derniers vols se terminant dans des circonstances tragiques. Et bien je vais également vous raconter mon dernier vol. Malgré une paire de péripéties et un final pour lequel j'éprouve une certaine honte, il ne m'est rien arrivé de fâcheux. Je pense que c'est une première. Je soupçonne les autres ayants arrêté l'activité de s'être désintéressés du vol libre en général. Ce n'est pas mon cas, et je continue moi aussi à gâcher l'argent de mon employeur en passant bien trop d'heures de bureau à lire les péripéties de mes camarades volants. Surtout que ce printemps est pour le moins riche.


Il parait qu'il ne faut jamais dire jamais, mais ce texte tient aussi lieu d'épitaphe dans ma vie de parapentiste. Voilà mon dernier vol avant la nuit...

Et pour donner dans le côté symbolique et marquant, j'ai volé le dernier jour de validité de ma licence soit le 31 décembre 2009. La fin d'une année, la fin d'un monde, le tout dans un autre hémisphère, au milieu de l'océan indien.

Ce n'était pas une si grande nouveauté pour moi, j'avais déjà volé à la Réunion. A l'époque, jeune volant tout fraichement émoulu d'une vingtaine de ploufs, j'en avais rajouté deux à mon carnet de vol, sous le soleil de l'ile Bourbon, émerveillé par le survol d'un lagon turquoise, le spectacle des tortues et la magie de poser sur la plage.

Il faut que je fasse un mini point pour tous les pauvres qui n'ont pas l'opportunité de saloper l'atmosphère avec des vols longs courrier pour saccager des destinations exotiques. D'ailleurs, je me suis toujours demandé comment ils pouvaient investir dans du matos fiables pour se jeter dans le trou ces pauvres sans être contraints de manger des pâtes pour le restant de leurs jours, ce à quoi on m'a répondu qu'il y avait un rapport de cause à conséquence. Le corollaire serait qu'en tout mangeur de pâte il y a un parapentiste qui sommeille ?
Oups je m'égare, donc un bref topo sur le vol sur l'ile de la Réunion. Comme son nom l'indique il s'agit effectivement d'une ile pour les trois du fond qui suivent. En gros c'est une montagne posé en plein milieu de nulle part sur l'eau.
Vu que le vent dominent se ballade toujours dans le même sens, il y a un côté exposé au vent où en gros il pleut tout le temps. Et un côté sous le vent ou en gros il fait beau tout le temps.
On vole donc sous le vent, dit comme ça, ça pique un peu au début, mais on le vit très bien. Surtout que le reste de l'ile protège pas mal dudit vent dominant.
Dernière particularité, c'est que le temps se couvre assez vite dans les hauteurs, les journées débutent souvent sans un nuage tandis qu'à midi il pleut sur les hauts.

Donc pour voler là bas, c'est conseillé de voler tôt. C'est encore pire si tu veux décoller de haut. Il faut carrément investir dans un réveil avec une alarme musclée. Ben oui, parce qu'en tant que touriste, tu fais la fête tous les soirs, et comme tu veux goûter les spécialités locales à base de canne-à-sucre tu finis dans un état second (voire troisième). Et encore, j'ai pas parlé du Zamal (mais pour le coup, je n'en aurais pas tâté).
Tout est que me concernant, le réveil j'ai eu du mal à l'entendre. Et que donc, jour après jour, je me disais trop tard pour voler, j'essaierais demain.
Pour le dernier jour sur place, le 31 décembre, j'ai réussi à me lever mais j'étais de corvée shopping au marché créole. Joies de la vie de couple,me voilà perdu au milieu d'un marché pas aux odeurs étranges plutôt que de profiter des premiers thermiques. Argh, j'ai eu beau presser l'affaire on a terminé seulement à 11h. Qu'à cela ne tienne, c'était la dernière occasion où jamais. Et puis je l'avais tellement fantasmé ce vol. Accessoirement j'avais tellement galéré pour convaincre ma moitié de l'opportunité de sacrifier notre quota de bagage pour emmener ma voile.
Donc je suis allé voir, aux Colimaçons (le spot facile pour voler là-bas, pas forcément le plus beau, il est normalement suffisament bas pour permettre de voler toute la journée). Avant de monter, le plafond baissait petit à petit mais ça volait encore, youpeeee...

C'est parti, je ne me souvenais plus que la navette était aussi longue. Pendant ce temps là tous les parapentistes finissaient par se poser. Plus inquiétant encore, je n'en voyais pas d'autres repartir. Et pour cause, arrivé sur place, les barbules grises se baladaient tout juste une dizaine de mètres au dessus de la tête. Mais bon, vent pas trop de travers, assez soutenu mais régulier, pas de moutons sur la mer (on m'a dit qu'à la Réunion, fallait pas voler quand il y avait des moutons sur la mer, chais pas pourquoi, peut être que les parapentistes réunionnais sont allergiques aux kébabs).


Une fois tout déballé, le vent s'était bien renforcé et carrément orienté sud, donc plein travers. Ouuups! J'ai définitivement oublié la petite voix qui me disait, "Tibô, c'est pas très raisonnable ce que tu fait" car la deuxième petite voix me disait "Allez Tibô, c'est pas pire que sur les sites de soaring comme à la dune ou à Allevard, t'as déjà volé avec plus de vent, et puis en plus il est tout laminaire, facile non ? Et puis tu vas pas repartir avec des regrets".

Histoire d'évaluer la situation, je fais un peu de gonflage. C'est pas évident en travers de la pente, mais ça peut le faire. Première erreur, je n'étais pas, mais absolument pas sur un site à soaring, pas assez de pente.


Je m'élance et je me mange une grosse fermeture au moment de réorienter la voile dans la pente (oui, c'est définitivement travers). Qu'à cela ne tienne, je vais donc décoller de travers mais face au vent. Deuxième erreur.

Donc en quelques pas ça décolle, yesssss !



Mais bon, il y a du vent quand même. Et la Mojo, c'est pas la Faïal. Ca a un côté tracteur assez prononcé. Ca pardonne tout, ça bouge pas, mais dieu que c'est lent.
En l'occurrence je peux affirmer qu'il y avait entre 25 et 35 km/h de vent. Suffisamment pour scotcher net une Mojo(voir même la faire reculer par moment).
Par contre il n'y avait pas assez de vent et/ou de pente pour tenir en dynamique.
Du coup j'avançais à la vitesse d'un escargot neurasthénique et à une hauteur d'une poignée de mètres (c'est quand même très rare les escargots volants, il faut le souligner).
Mais de pente après le déco, il n'y en avait guère plus, ce n'était qu'un immense champ de canne à sucre. Fort heureusement pour moi, ce n'était que des jeunes plans sous mes pieds.

Parano et peureux, je maintenais aussi une bonne présence aux freins. Surtout qu'il y avait de-ci delà des bullettes assez costauds (enfin pas suffisamment pour me permettre de prendre véritablement de la hauteur).

Comme ça j'arrivais à la fin du champ de canne à sucre, en me disant que définitivement, c'est beaucoup mieux une fois distillé en bouteille, pi avec un peu de menthe, de citron vert, de limonade et beaucoup de glace. J'avais gagné approximativement une altitude relative de trois mètres. Le hic c'est qu'en contrebas du champ, il y avait une bonne rangée d'arbres. Exactement le genre à faire trois/quatre mètres de haut.

Option 1, je relâche les freins, j'accélère un poil et j'essaie de passer en force.
Mauvaise idée, soit ça ne passait pas et je me trouve sous le vent (un vent quand même bien soutenu, le lecteur attentif l'aura remarqué). Soit ça passait trop juste et je me retrouve perché en haut des arbres. Pas pratique pour redécoller. Soit avec un peu de chance ça passait, mais vu qu'il n'y avait toujours pas beaucoup de pente, je risquais de me retrouver à poser dans un endroit absolument pas fréquentable. J'ai déjà posé dans le Manival, tester l'atterrissage dans les ravines Réunionnaises ne me tentait pas vraiment.

Du coup, j'ai pris l'option 2 je me suis posé délicatement (en faisant du surplace c'est facile) entre deux rangées de canne à sucre, sans saccager le champ.

Et j'ai donc remonté la pente. C'est fou comme dans l'autre sens, elle parait plus raide. Le 31 décembre à la réunion, c'est la saison chaude et humide, il devait faire dans les 35°, il y avait bien 200% d'humidité dans l'air. Avec ma voile en bouchon sur l'épaule, en jean. Le bonheur.

Quelques litres de sueur plus tard, je termine ma montée dans le brouillard, visiblement le nuage avait continué de descendre pendant que je faisais mumuse en quasi statique au dessus du champ. Au cas où, je ré-étale mon matos, je profite des rares moments ou le nuage daignait remonter un brin pour gonfler et vérifier ma voile. Infatigable la tite mojo, toujours parfaite.
Le vent continuait à ronfler et je n'ai pas réussi à retrouver de nouveau créneau avec plus d'une minute de visibilité sur la mer. C'est donc très désappointé et un peu amer que j'ai tout replié. C'était probablement mieux ainsi.

Pour mon dernier vol, je n'aurais pas survolé ni lagon ni tortues, j'aurais juste profité encore 5 minutes "extraordinaires" de ce "moment magique" de "liberté absolue" de "se sentir voler comme un oiseau".

Enfin bon, je me suis bien rattrapé quelques heures plus tard sur la canne à sucre, en bouteille cette fois. Et puis c'était le réveillon. Petite dédicace pour ceux qui affectionnent les ballons brésiliens lors de la coupe Icare. Une fiesta sur la plage de St Gilles, dans son genre c'est aussi un "moment magique". Ca vole aussi mais c'est beaucoup plus calme.



Maintenant que j'ai écarté les curieux avec ce récit pataud, je peux en venir aux choses sérieuses et passablement polémiques. Avec le recul, je vais essayer d'analyser pourquoi j'ai arrêté le parapente. Les vraies bonnes raisons, les psychoses et tout ça.

Aller hop, je vais redemander un Dédé un ballon de rouge et vous expliquer ma vision du monde et faire un peu de psychologie de comptoir. Ca tombe bien j'y connais rien (s'il fallait s'y connaître pour parler de quelque chose, qu'est ce qu'on s'emmerderait).

Si on remet les choses à leurs justes valeurs, je n'ai qu'une seule raison qui ma poussé à arrêter l'activité. C'est tout bêtement la disparition du plaisir que je prenais à voler. Tant que l'activité reste un loisir et non un travail, le plaisir doit en rester le moteur prépondérant.
Le plaisir peut être immédiat, comme avec une tartine de nutella, faire coucou aux randonneurs vus d'en haut, profiter d'une vue somptueuse habituellement réservée aux oiseaux, envoyer un bon troicisse...
Le plaisir peut aussi être projeté, et c'est parfois tout aussi bon d'imaginer le bonheur qu'on va retirer d'une activité, comme lorsque je ressors de la FNAC avec un sac plein et un compte en banque vide, que je furetais sur le net à regarder les sites météo pour déterminer la journée et le site qui allaient le faire, lorsqu'on se serrait à 4,5, 6 ou sept et autant de parapentes dans une pauvre petite voiture pour monter au déco...

En l'occurrence, de ces deux aspects du plaisir, il ne me reste que les ruines d'une splendeur passée. Le bel édifice anéanti par la peur et la frustration, comme autant de catastrophes naturelles pour la confiance en soi.

Avec le recul que j'ai depuis près de six mois, je vais essayer de remonter le temps pour analyser mes derniers vols. Pas grand-chose à dire du dernier vol à la Réunion relaté au dessus. Je n'aurais pas du essayer j'ai été gentiment puni par ce loisir "qui pardonne si souvent".

C'est véritablement avec le vol précédent que ma décision est venue. J'ai passé bien des nuits à la mûrir au point que cela m'empêchait de dormir.
La goutte d'eau qui m'a plongé dans cette introspection insomniaque c'est mon avant dernier vol, vers midi, à Allevard.
J'en ai déjà parlé, mais juste pour resituer le contexte. Ce jour là, j'étais pas bien dans mes baskets (comme pour la plupart de mes vols précédents). Au déco, ça semblait vouloir commencer à tenir. Mon objectif était simplement de plouffer, donc pas trop de pression. Mais en l'air, sortie de déco, c'était malsain, bizarre, un peu chahuté. Pas pire, mais suffisamment pour me donner envie d'écourter mon vol (comme tant d'autres fois auparavant). J'arrive au dessus de la ville sans encombre, mais là une nouvelle séance de break-dance avec ma voile qui part dans tous les sens. Je suis super tendu, méga stressé, mais je gère à peu près le truc. Ca se calme une poignée de secondes (il faut entendre : ça bouge "un peu" moins).
Et là c'est le drame, outre les tremblements incontrôlés, je ne sens plus mes bras. Enfin je sens surtout une sensation comme les fourmillements, mais en puissance mille. Je n'ai plus aucune sensation tactile de la pression de la voile dans mes mains.
Flippant et surtout compliqué pour piloter, non ? Je ne me vois pas du tout construire mon approche au dessus de la digue dans ces conditions. C'est alors que dans le mépris le plus absolu des règles locales je vais survoler le lac (à ma décharge, j'avais encore pas mal de gaz). Bingo c'est effectivement plus calme. Mais le hic c'est que j'ai beau faire, je n'arrive pas à chasser ces maudites fourmis qui ont envahi mes bras.
Je finirais par aller me poser de l'autre côté du lac, un peu plus venté mais nettement moins turbulent. Et c'est bien dix minutes après l'atterrissage que je reprendrais mes sensations dans les mains et dans les bras.
La seule conclusion à laquelle j'ai pu arriver de ce phénomène c'est que sous l'effet de la crispation assez violente pendant les moments ou ça bougeait, j'ai du perturber les nerfs qui allaient bien pour contrôler ses avants bras.
J'ai tiré deux analyses de cette expérience. La première, c'est que je ne me sens plus bien quand je pars voler, la deuxième c'est que le stress a des vraies répercussions physiques qui me mettent en danger. En l'air je n'arrivais même plus à retirer mes mains des dragonnes, je ne serais certainement pas arrivé à trouver la poignée de mon secours, encore moins à gérer un vrac.

Je pense pouvoir remonter à l'origine de ce mal être, il se trouve quelques vols plus tôt, toujours à Allevard. Décidément, plus j'y pense, plus je me dis que ce site n'est pas sain. A l'époque j'avais un peu (pas beaucoup) plus de moral et un peu plus la niak. Un léger sud annoncé, je profite des bontés de l'école locale pour m'emmener au déco sud. Une poignée d'élèves avec des niveaux très différents me tiennent compagnie.
Sur place, l'école envoie rapidement ses stagiaires. C'est que le vent se renforce petit à petit et que ça commence à thermiquer sévère. Petite ambition pour ce vol, tourner un peu en local pour reprendre confiance, essayer de monter un peu et objectif d'essayer de monter aux Plagnes pour faire un petit touch-and-go. J'entends des gus à la radio qui ont eu la même idée, c'est donc que ça le fait. Pendant c temps là, j'attends que tous les élèves aient décollé avant de m'installer.
Quand je pars, ça c'est bien renforcé et il y a de sacrées bouffes. Impeccable pour décoller sans efforts.
En l'air changement d'atmosphère, ça bouge vraiment beaucoup. Des petites bullettes pas exploitables mais violentes qui explosent la voile. Le seul élève qui soit resté en l'air se fait littéralement démonter, sa voile fait tout comme on apprend dans les SIV, en avant, en arrière, façon montagne russe. Je suis impressionné, malgré le manque de contrôle, ça ne ferme pas.
C'est impressionnant mais pour l'instant ça va, je me maintiens. Jusqu'à ce que je rencontre une pure saloperie. Pas le temps de comprendre, j'avais l'impression que ça arrachait ma voile quand d'un coup plus rien dans les mains. Je me sens basculer en arrière. J'ai le temps de regarder en haut pour voir que ma voile ne s'y trouve plus, qu'elle est partie faire un petit tour en chiffon pour rentrer dans le sac.
Le temps semble comme figé, j'hésite, je ne comprends pas. Décro en entrée d'un truc velu ? Frontale massive ? Je sais pas, pourtant je n'avais pas trop de freins.
Tant pis il va falloir faire quelque chose, je vais essayer de temporiser. Trop tard, c'est parti trop loin, trop fort, trop devant. Je suis à la rue et pas symétrique. C'est donc fort justement parti pour une asymétrique dans les dents. Très gérable par contre, pas violent malgré le rappel pendulaire et pas de départ en rotation à déplorer (ou alors mon agripage du faisceau d'élévateur côté ouvert s'est révélé salutaire). Par contre c'est impressionnant de voir le truc se passer vu que j'avais la voile en face à ce moment là.
Passé cette sueur froide cassos en direction de la vallée. Ou c'était fort heureusement beaucoup plus calme (+1 en continu, tout doux, j'ai même hésité à aller faire du saute-mouton par-dessus Brame Farine pour poser chez moi).
Clairement, c'était ma plus mauvaise expérience de vol. Encore aujourd'hui à rédiger ce récit je sens cette boule au ventre, même si les détails sont flous, j'ai gardé intacte cette sensation de tomber, d'être au milieu du vide à prendre rendez-vous avec la faucheuse.

Avant ce vol malheureux qui a définitivement anéanti les reliquats de confiance en soi qui pouvait me rester. J'ai vécu pendant longtemps une sensation bizarre. Beaucoup trop de boulot, beaucoup de trucs perso m'arrivaient, pas le temps de
Sortir ma voile. Je volais seulement une fois par mois, pour "un vol de reprise" et pendant longtemps, j'avais cette première phase avant le vol d'angoisse. Un vol plus ou moins écourté par des conditions plus ou moins difficiles. Et à chaque fois à l'attéro j'avais cette rage de voler, qui me reprenait. Les dents qui recommençaient à pousser, l'envie folle de me battre contre les thermiques et leurs montrer qui était le patron. Mais malheureusement à chaque fois j'avais "pas le temps", "d'ailleurs je suis grave à la bourre", mais "demain j'y retourne", "la semaine prochaine c'est sûr".
Et puis un mois se passait avant que je ne ressorte ma voile.

Puis petit à petit ce sentiment euphorique post-vol a disparu, remplacé par un "posé vivant, posé content". La frustration et la jalousie par rapport aux camarades volants s'est ramenée aussi, ancrant fermement un sentiment de dégoût de soi et de cette saloperie de trouille.
Et puis finalement, quand j'ai eu de nouveau un peu le temps, je n'avais plus envie de voler. "Si c'est pour faire un plouf de 5 minutes et me faire peur, à quoi bon ?". Je me suis acharné un peu à me forcer à sortir en espérant que l'envie revienne, elle n'est jamais revenue. Au contraire je me suis fait encore plus peur (cf. les deux récits précédents).

Ce que je pense maintenant, après six mois cloué au sol.
Je continue à lire et à vivre par procuration les exploits de mes camarades volants mais je n'éprouve plus ce pincement au cœur de jalousie, voler me manque énormément, mais je n'ai aucune envie de reprendre ma licence.
En fait, je n'ai peut être pas trouvé dans le parapente ce que j'y cherchais. Vol libre à ce que l'on dit, il ne l'est pas vraiment. Ce n'est finalement pas le parapentiste qui décide de son itinéraire dans les cieux, il ne fait que grappiller des cheminements compliqués dans les miettes de ce que la météo et l'orientation des reliefs lui permettent.

En outre, ma trouille même si elle relève de l'irrationnel et du subjectif, elle a quand même des justifications profondes. Malgré tous les discours rassurant que j'ai longtemps moi-même colporté, le parapente reste un sport risqué ET dangereux. J'ai longtemps pensé que l'on maitrisait un peu le risque. Au final oui on pourrait le gérer mais non on ne le fait pas. Honnêtement, on se lasse des ploufs le matin sur site archi connu alors qu'il n'y a pas de vent météo, ni de nuages dans le ciel.
Au contraire, le parapentiste moyen cherche les conditions musclées et les turbulences, seul espoir de faire durer le vol. Et parmi ces parapentistes qui pensent avoir de l'expérience, qui pensent maitriser l'aérologie, combien ne se sont pas fait surprendre? Honnêtement, je n'en connais pas.
Et sans parler de surprise, combien d'entre nous ne prend pas de risques inconsidérés en toute connaissance de cause, à aller chercher les thermiques sous le vent, à frotter le caillou, à oublier les priorités dans la grappe, à accélérer dans les turbulences, à griller volontairement toutes ses marges ?

L'activité favorite du volant moyen en bande qui attend dans l'herbe "que les conditions s'installent" est de critiquer ceux qui décollent. Et très souvent la phrase revient, toujours la même "il a eu de la chance celui-là, il à du bol que le parapente pardonne". Je repose encore la question, qui parmi nous n'a pas bénéficié de cette chance proverbiale de temps en temps ? Qui n'a pas "grillé un jocker" ?

Il parait qu'il faut prendre des risques pour se sentir vivant. Je suis assez d'accord. Autant le gars qui saute une barre de 10 mètres à ski, qui descend un couloir de 60°, qui se tente l'Eiger a une évaluation directe de l'engagement. Autant le parapentiste ne l'a pas.

Je ne préfère pas parler du côté danger. Le bon sens paysan veut que rester suspendu avec des centaines voir des milliers de mètres de vide sous les pieds n'est pas forcément très bon pour la santé. Si la rupture inopinée du matériel est plutôt rare, une bonne cravate reste un bon moyen de trancher du tissu. La plupart des parapentes ne sont pas conçus pour sortir tout seul d'une autorotation si le pilote à un malaise. En cas de twist sérieux, il vaut mieux prier pour que le secours ait été correctement plié. Et puis le problème avec un contact violent avec la planète c'est qu'il y a souvent des cailloux tranchants qui trainent surtout dans les endroits fréquentés par nous autres.

En attendant bon vols à vous. C'est un sport passionnant que le vôtre. Continuer à faire rêver les terriens comme moi. Pour ma part, je vais en rester au macramé.

lundi, mars 15, 2010

L'oiseau signe un pacte et se noie dans la masse

Alors que je repose l'ouvrage sur mon bureau, je n'arrive pas à retenir le frisson qui caresse mes vertèbres. Le froid qui sévit n'est en rien responsable de mes tremblements. J'ai bradé mon âme au diable pour quelques centaines de pages de papier brochées et une goutte de célébrité dans l'océan numérique. Maintenant que j'ai signé, il me faut assumer les conséquences et honorer ma part du contrat.
Encore une fois pris au piège de la toile, je me suis inscrit voilà quelques mois sur un site de partage de bibliothèques, une sorte de communauté en ligne de lecteurs. J'y trouvais l'avantage de pouvoir référencer facilement la plupart de mes livres, de partager mes goûts et mes dégoûts, de découvrir d'autres horizons littéraires. Bref, que du bon. Tant qu'a céder son âme au malin, j'en profite pour faire la publicité de ce sympathique endroit qu'est babelio.com. Ce site organise régulièrement une opération nommée Masse Critique, probablement parrainée par Lucifer. L'opération est simple, il s'agit de s'inscrire le jour de l'opération pour recevoir gratuitement un livre en échange d'une critique. De nombreux éditeurs y trouvent leur compte, à faire connaître leur production à moindre frais. Je me suis inscrit et j'ai bien reçu l'ouvrage, je dois donc soumettre revue de lecture. Voilà donc que je n'exerce plus ma plume gratuitement pour l'édification des curieux perdus sur mon blog, je le fais contre rétribution de cellulose. Me voilà soumis aux chaines de la publicité. J'aurais du sentir l'odeur de souffre, car lors de mon inscription j'avais sélectionné une demi-douzaine de livres de genres variés et le sort m'a octroyé L'affaire des Poisons : Crimes et sorcellerie au temps du Roi-Soleil, de Jean-Christian Petitfils.


Le facteur m'a donc apporté de bon matin un petit colis contenant le livre convoité. Premier contact, premiers indices. La première de couverture représente un petit dragon bicéphale symbolisant le poison, extrait d'un tableau représentant Saint Jean et la coupe empoisonnée. L'image est belle, mais la mise en page est révélatrice, le choix des polices d'écritures et les couleurs, jaune et blanc, la matière et la qualité du papier, tout converge. Je jette un coup d'œil au catalogue de l'éditeur, plus de doutes. Je n'ai pas en main un roman destiné aux masses consuméristes, mais un ouvrage d'universitaire. Me voilà en possession non pas d'un roman historique mais d'un livre d'histoire. Mes connaissances dans le domaine sont profondément immergées dans ma mémoire, le temps à fait son œuvre et érodé les souvenirs des monotones heures de cours d'une matière honnie. Humblement, j'attaque donc la lecture.
Qui dit livre d'histoire, dit histoire. Et la période qui sert de toile aux intrigues du livre est certainement l'une des plus riches de notre passé. La fin du XVIIe Siècle cristallise dans l'inconscient collectif la France classique. Malgré les ambitions bellicistes du grand monarque, le pays est alors un phare qui illumine l'Europe et préfigure le siècle des lumières. Un parfum de chauvinisme inhabituel me pousse à énumérer les auteurs dramatiques comme Corneille, La Fontaine, Molière ou Racine qui ont habité cette époque. C'est enfin et surtout le règne de Louis XIV, le plus souvent associé aux adjectifs de grand roi ou de roi soleil. Personnalité remarquable qui aura dompté la noblesse d'épée et les seigneurs de guerre dans une parade courtisane des apparences.
Mais derrière l'opulence de la cour, notre livre évoque la sorcellerie en reniant l'héritage de Descartes, de Pascal ou de Fermat. Car la fin du XVIIe Siècle est une période de paradoxe, ou la guerre côtoie la raison, la superstition fricote avec la science, l'intelligence politique s'exprime dans une monarchie absolue. Sous le luxe et le raffinement va éclater l'un des plus grands scandales de l'obscurantisme, la fameuse affaire des poisons. Jean-Christian Petitfils se plonge dans les archives pour nous faire le récit éclairé de cette affaire. Si les séries télévisées américaines excitent l'audimat en présentant des enquêteurs chargés de résoudre les fameuses affaires "classées", le travail de l'historien par comparaison est titanesque. Surtout lorsque le dossier est embrumé par les siècles et élagué par la censure d'un roi craignant les éclaboussures.
En effet, vu des hauteurs de la cour, lorsque les petites gens s'entretuent gaiement ou s'adonnent à des niaiseries comme l'astrologie ou recherche de la pierre philosophale cela reste quantité négligeable. Malheureusement derrière les voiles de l'alchimie se cache souvent une assez grande connaissance dans la chimie ou la biologie, voire d'autres procédés plus ou moins exotiques pour faire périr son prochain. Le poison reste une formidable invention pour faire valoir les droits de successions. A cela s'ajoute qu'il ne faut pas grande force physique pour verser une poudre dans une coupe ni grand courage pour épicer un plat. Ces dames avaient donc enfin une arme à leur disposition pour revendiquer un féminisme ambiteux face à l'hégémonie masculine, brutale et carnassière. Lorsque l'on parle des dames, outre le bas peuple, il reste ces Dames que l'on désigne avec une majuscule et dont le patronyme s'affuble de particules précieuses et de titres. Celle-là même qui pavanent à la cour du monarque solaire, soupirant une attention royale.
Dès lors comment s'étonner que le roi connu pour son penchant pour la bagatelle n'aie eu quelque maitresse décue. L'empoisonement et son cortège de messes noire et de pactes avec le malin doivent alors être passées sous silence pour éviter de troubler une population prompte à la fronde. Il faut cacher la justice sous le sceau de la raison d'état pour permettre à la politique de dicter le bien de la cité.
Malgré une volonté du secret et la destruction des dossiers de l'affaire des poisons, l'historien a réussi à reconstituer le drame. Grâce notamment à) la découverte fortuite des "dossiers de la Bastille" au XIXe siècle et notamment des dossiers d'instruction du lieutenant général de la police qui avait mené l'affaire.
On découvre donc dans ce livre les complots des petites et des grandes gens relaté presque au jour le jour. Il n'est pas question de fiction, mais de fait. c'est tout juste si l'auteur interprète un peu les réactions chez les protagonistes. Seule la fin présente un argumentaire sur la culpabilité ou l'innocence des favorites du roi dans cette affaire.
Si les faits sont relatés chronologiquement et que l'écheveau de l'intrigue de dévoile petit à petit à mesure que la justice la découvre, l'histoire reste assez difficile à lire. Be aucoup trop de personnages sont impliqués pour tous les retenir, après quelques dizaines de pages la confusion guette. Certaines conclusions des enquêteurs manquent de clarté. Tout cela ne rend pas la lecture facile.
Alors même si ce livre m'a ouvert les yeux sur les pratiques de l'époque, le fonctionnement de la justice ou les jeux de pouvoir. Il reste que ce livre s'adresse plus à des amateurs éclairés ou des hommes de l'art qu'à un modeste oiseau curieux.

dimanche, février 28, 2010

L’oiseau policier

J’évoquais dernièrement ma pile de livre à commenter. Il ne s’agit pas d’une vue d ‘un esprit fatigué comme la fameuse pile-à-lire. Non ma pile de livre à commenter se comprends au premier degré. A chaque fois que je termine un roman je l’entasse, je l’empile sur le coin de mon bureau, pour me souvenir d’en publier une revue sur ces pages. Hum, la fameuse pile dépasse maintenant l’écran de mon ordinateur. Comme quoi le retard peut aussi se mesurer en centimètres, et dans mon cas en décimètres, j‘ai honte.
Même le précédent billet date d’un mois, même si février est toujours plus court le calendrier m’accuse. Je me rend donc et je m’attelle à la tâche. D’autant plus que je dois me dégourdir la plume, elle qui n’est quasiment pas sortie de l’hiver.
Le plus difficile reste de se forcer à passer en revue des livres médiocres. Quand bien même une critique acide est souvent facile et jubilatoire pour son auteur, certains livres n’en valent même pas la peine. Suivez-moi, ou pas, à la poursuite de Michael Connelly et de son soporifique Deuil interdit.
Afin d’ouvrir un peu mes œillères littéraires, je me force régulièrement à découvrir les classiques des différents styles. Les rayonnages de polars débordent chez les libraires, et pourtant ce genre ne m’attire pas plus que cela. En furetant sur le net, j’ai découvert que Michael Connelly était l’un de ses classiques contemporain du policier, spécialisé dans le fameux LAPD californien. Il ne m’en fallait pas plus pour me convaincre de retrouver la ville des anges fantasmée par tant de poètes.
Les premières pages du roman s’ouvrent sur la réintégration de l’inspecteur Harry Bosh au sein de la police et de son affectation au département des affaires classées. Pourquoi l’inspecteur favori du romancier s’était ainsi retrouvé mis à pied, on n’en saura rien . De fait le détail n’a que peu d’importance dans l’histoire et j’avoue n’avoir aucune envie de lire les tomes précédents. Donc Harry Bosh revient dans la police et retrouve une ancienne coéquipière et dès son premier jour reprends une enquête sur la mort d’une jeune lycéenne. Près de vingt ans ont passé depuis l’affaire mais la police scientifique a permis de ressortir le dossier grâce aux nouvelles technologies comme l’analyse de l’ADN.
Pour sa première journée, l’inspecteur Harry; décidément le nom est révélateur; sera confronté à son pire ennemi, déterrera une affaire de corruption, se fera agresser dans le quartier des sdf. Accessoirement quelques jours après, il terminera l’affaire, en suivant très classiquement la routine policière.
Si le roman est intéressant dans ce qu’il cherche le réalisme, on s’ennuie ferme devant les passages à la limite du documentaire. Même si le narrateur exhibe ses atours de cavalier solitaire, bourreau de travail, génie incompris et seul contre tous, l’affaire reste banale et la procédure d’un classique assommant.
Pour résumer, le héro est horripilant, sa coéquipière et les autres membres de la police ne servent que de faire valoir, l’affaire en elle-même est pénible et banale, toutes les pistes intéressantes sont systématiquement écartés. Dernière goutte pour faire déborder le vase, c’est atrocement mal écrit. J’ai du mal à comprendre comment on peut devenir célèbre avec des daubes dans le genre.
Voilà tout pour conclure une revue de lecture bâclée et sans inspiration, à l’image du roman.

vendredi, janvier 29, 2010

L'oiseau migrateur

Quelques tonnes de pétrole pour m'essuyer les pattes sur l'atmosphère crasseuse de notre petite planète bleue. Je fais partie de ces oiseaux qui ne peuvent pas voler, de ces humains qui s'entassent dans des boites de conserve projetées à grands frais dans les airs, de ces parasites pour qui l'avion est un transport trop commun. Que voulez-vous, les années passent et l'exceptionnel devient banal, les routines s'installent. Comme cette manie qui me reprend à chaque fin d'année. Tel l'oiseau migrateur, je fuis à l'approche des glaces hivernales pour retrouver la douceur des chaleurs australes. Je quitte la métropole pour voir si la nouvelle année se présente mieux le long des plages de sable blanc. 2009 s'est couchée dans les flots clairs de l'océan indien.
Malheureusement, le rêve se monnaye cher de nos jours. C'est ainsi que des contraintes pécuniaires et un rendez-vous de travail pénible m'ont imposé un retour aux premières heures du premier janvier. Quelques heures dans le sas pressurisé d'un Boeing pour perdre le soleil et une bonne quarantaine de degrés. J'ai retrouvé mes montagnes, habillées pour l'hiver dans leurs fourrures de neige et de glace, mais surtout le froid mordant d'un hiver 2010 qui restera dans les annales. Le cliché populaire évoquerait un froid de canard, image curieuse pour un oiseau migrateur qui a le bon goût de rester au chaud pendant la saison froide. Me voilà à troquer bermuda et maillot de corps contre un épais manteau fourré par les plumes douces du pauvre volatile.
On se console par la beauté des extérieurs. La neige et la glace figent les paysages dans la pose esthétique d'une nature morte. Le temps même semble gelé par le froid qui ralentit tout, jusqu'au neurone d'un oiseau trop bavard. Je profite donc du redoux de température pour dégivrer mes revues de lecture.

J'étais en retard, effrayé par cette pile de livres à commenter. Je suis maintenant au delà, à consulter cette liste en étranger, me demandant qui a bien pu lire tout ça.
Il parait que j'ai lu un livre intitulé Le magasin des suicides d'un certain Jean Teulé, en octobre je crois. Ah, voilà que je m'en souviens maintenant. Au détour de la corvée hebdomadaire des courses, entre une brique de lait et du liquide vaisselle, j'avais noté qu'il manquait de la lecture. Comme pour tous les autres articles de cette liste, j'ai choisi un "livre", tiraillé entre les appâts colorés du marketing et un prétendu rapport qualité/prix.
Ah, le voila ! Une couverture jaune fluo pour attirer l'œil, un titre racoleur, et surtout un prix dérisoire, probablement dû à la minceur de l'ouvrage.
J'ai honte mais je confesse également qu'un goût douteux et un certain humour noir ont guidé mon acte d'achat. En effet, mon employeur sous ses atours colorés se complaisait à presser l'orange, excitant le voyeurisme morbide de l'opinion publique par un tsunami dévastateur de suicide. Me voilà donc dans le train, couvert de vêtements sponsorisés par mon employeur à lire cet ouvrage au titre sulfureux. J'ai dû en choquer pas mal.
Consternant ? Détestable ? Pitoyable, comme attitude me direz-vous. Au moins cela me faisait rire et dans le climat morose qui régnait, cela faisait un bien fou.

Du reste, cela n'a pas duré longtemps. Le livre est très court et cela tombe bien, il est passablement mauvais. Derrière le pitch malsain et racoleur d'une famille gagnant ça vie en commerçant la mort ou plutôt les milles-et-un moyen de mettre fin à ses jours se trouve un livre creux. Un prétexte que se donne l'auteur pour aligner les jeux de mots et les éclaboussures grasses d'un humour noir mais surtout lourdingue. Il dépeint un monde ravagé par les catastrophes écologico-politico-absurdes dont le seul moyen d'évasion reste la mort. Même si une telle entreprise ne favorise pas la fidélisation du client, le petit commerce reste florissant. Des chrysanthèmes probablement! Dans ce petit monde désespéré va survenir une étincelle de joie, d'espoir. Le petit dernier, la honte de la famille persiste à voir la vie en rose. C'est mauvais pour le commerce.

Contre toute attente, le bonheur deviendra contagieux. Et sans aucun remord, je révèlerais qu'au final ce sont les bons sentiments teintés de mièvrerie qui triompheront.
On ne trouve rien dans ce livre, même pas une dénonciation, ou une problématique à creuser. Juste une pile de feuilles dans lesquelles l'écrivain s'amuse, pas le lecteur.

A éviter donc. Aux amateurs du genre, je conseillerais plutôt de dénicher les Idées noires de Franquin, duo de bandes-dessinées devenues cultes.

jeudi, décembre 24, 2009

En attendant Noël...

Et voui, c'est le titre d'une de mes nouvelles. Grande première de mettre en ligne l'une de mes productions. On verra bien l'accueil qu'elle recevra :
En attendant Noël

dimanche, décembre 13, 2009

Le pourcentage Atlante

Trois petites lettres que nous utilisons quotidiennement, sans y prêter attention. Waf Waf Waf pourrait faire le chien lorsque la caravane passe sur les autoroutes de l'information. Mais les fameux "www" qui précèdent le nom de nos sites favoris ont une signification dont la sémantique peut faire frissonner. "World Wide Web" ou toile qui répands ses filets sur le monde pour les allergiques à la langue de Tim Berners Lee. L'analogie est troublante car cette toile et ses myriades de réseaux sociaux nous emprisonnent tous, tels des insectes trop curieux englués dans le virtuel en attendant la moisson carnivore des araignées omniprésentes. Est-ce cela "l'esprit Google" ?
Petits insectes sans défenses comme tous ces internautes leurrés par les reflets argentés des fils de la toile, la promesse d'avoir le monde à portée de clic, un rêve d'universalité trompeur. Nous voilà tous à rêver notre vie en mendiant une poussière de renommée pour mieux perdre les chemins ambitieux de l'épanouissement, ceux qui nous permettraient de vivre nos rêves.
Parmi ces petits insectes rêvant de gloire, j'évoquais ces sites débordants de revues de lecture. Dans le bourdonnement de ces internautes piégés par la toile, j'avais découvert la notion de Pile A Lire dont je me faisais l'écho. Cette découverte n'est pas venue seule. Tous ces lecteurs esseulés connaissent la malédiction du choix impossible, perdus dans un monde littéraire bien trop vaste. Alors ils se sont imaginé des défis pour stimuler l'appétence littéraire. Le but est simple et commun à tous ces défis, il s'agit de lire et de commenter un ensemble de romans dans un temps limité. Le choix des livres est généralement contraint par un thème, la bibliographie d'un auteur, une couleur, un lieu ou une époque ou même ce fameux défi alphabétique consistant à lire un livre dont le nom de l'auteur débute par un 'A', ensuite par un 'B' et ainsi de suite jusqu'à épuiser les 26 lettres. Ce dernier défi me tente je l'avoue mais la paresse de me contraindre à 26 livres durant une année m'a fait préférer la voie de la paresse. Je vais plutôt m'attaquer au défi du 1% littéraire en m'engageant à lire 1% de la rentrée littéraire 2009. Il parait qu'environ 700 romans sont parus cette année, sept livres à lire sur une année, ça s'annonce plus facile !

J'ai commencé le défi en abordant l'anneau d'Atlantide de Juliette Benzoni tout juste sorti des presses pour débarquer en masse dans mon supermarché habituel. J'avais entendu le plus grand bien des romans historiques écrits par cette auteur prolifique. Première déception, même si l'action se déroule plus de cinquante ans avant notre époque, il ne s'agit pas vraiment de l'histoire avec son H majestueux. Nous suivons plutôt les aventures récurrentes du prince Aldo Morosini. Ce noble de la sérénissime occupe son oisiveté et son argent à collectionner et revendre des objets d'art, périphrase inutile pour désigner son activité de chasseur de trésors, spécialisé dans les bijoux à l'histoire sulfureuse.
Dans les premières pages, le prince Aldo fait la rencontre d'un égyptien agressé par de mystérieux mais lâches individus. Avant de mourir, le vieil homme aura le temps de lui confier son trésor, un mystérieux anneau argenté. Le hasard de l'écrivain fait décidément bien les choses, Morosini est justement l'un des seuls capables d'identifier l'objet comme l'une des reliques de l'Atlantide.
Dans la louable initiative de restituer l'objet à son propriétaire, le narrateur part pour l'Egypte où il retrouvera par un autre hasard suspect ses habituels compagnons d'aventure. S'ensuit une histoire assez barbante qui pourrait s'intituler "le club des cinq en Egypte" et trouver sa juste place dans la bibliothèque verte de notre enfance.
Dans l'ensemble, c'est assez bien écrit et les personnages sont complexes même s'ils se comportent parfois de manière saugrenue. Si on constate un certain talent dans l'écriture, on ne peut que regretter l'absence de la flamme qui rend le livre si dispensable. Je ne sais pas si je tenterais à nouveau un livre de Juliette Benzoni mais il est plus que probable qu'il ne s'agira pas d'une nouvelle enquête du prince Morosini.
Première expérience décevante donc pour ce pourcentage littéraire, j'espère que les autres remonteront le niveau. En attendant, ma pile de lecture s'est agrandie de vieilleries. Les prochaines "nouveautés" devront attendre.

dimanche, novembre 29, 2009

Une pile à lire ou à subir

On parle souvent de ces parisiens qui n’ont jamais admiré leur ville du haut de la tour Eiffel, de ces savoyards n’ayant jamais posé le pied sur un ski, de ces marseillais qui évitent les plages. Trop de facilité, une proximité oppressante, l’égoïsme ordinaire de ne vouloir partager ses trésors avec les nuées méprisables de touristes ou tout simplement l’idée confuse d’avoir le temps pour en profiter demain. Le cliché a probablement la vie dure mais se vérifie trop souvent, on connaît mal l’endroit où l’on vit.
Il me semble que je n’échappe pas à la malédiction. Cela fait plusieurs années que j’ai tissé mon nid sur la toile numérique, mais finalement je connais bien mal Internet. Depuis près de quinze ans que je survole les autoroutes de l’information, à titre personnel ou professionnel, je n’ai jamais pris le temps de m’attarder sur les voies secondaires, de visiter ces innombrables lotissements uniformes de sites préfabriqués où tout un chacun peut raconter sa petite vie au mépris de l’intérêt commun et du bon goût.
Je suis bien mal placé pour jeter une pierre fût-elle virtuelle dans la mare. Dès mes débuts je bricolais déjà un site personnel, « l’antre du cyber Troll », prétexte pour expérimenter les technologies balbutiantes du world wide (wild ?) web. Aujourd’hui encore, j’alimente sporadiquement ce petit espace avec mes élucubrations nostalgiques ou mes revues de lectures inutiles.
De fait, je suis payé pour connaître assez intimement les technologies régissant cette matrice de l’information qui en moins de deux décennies ont dominé nos vies. Et pourtant, j’y découvre encore et toujours des nouveautés. Sous l’emprise de ce paradoxe sucré, j’ai très récemment découvert que les lecteurs acharnés hantaient déjà le net, que des millions de sites personnels évoquaient la littérature et les revues de lectures sont florissantes. Je ne cherche pas à lutter dans cette bataille perdue d’avance, lorsque je vois ces internautes capables d’alimenter quotidiennement leur site avec de nouvelles lectures, des commentaires souvent érudits, pertinents et intéressants. Pour une fois, la jalousie coutumière de mon caractère ne m’a pas chatouillé les neurones de ses acides. Je ne poursuis tout simplement pas le même objectif. Cette tribune intime et publique ne me sert pas à cela. Dans ces lignes je préfère occuper ma plume plutôt que de la laisser mourir d’ennui.
J’ai donc découvert ces commentaires de lecteurs avec intérêt et passion. J’ai pioché dans les multiples forums de nouvelles notions. Notamment celle de P.A.L, il ne s’agit pas d’un système de codage de la vidéo mais plus simplement d’une Pile A Lire. Elle représente la liste des livres qui sommeillent dans les bibliothèques, au pied du lit, sur un coin du bureau attendant d’être déflorés par leur propriétaire.
Je suis bien content d’avoir mis un acronyme sur l’une de mes malédictions. Nommer ses démons, c’est acquérir du pouvoir sur eux, peut-être les vaincre. En effet, ma P.A.L est conséquente. Il y a tous ces livres qui ont suivis mes déménagements car je ne les avais pas lu, et surtout cette maladie compulsive. Lorsque je m’égare dans une librairie avec le but avoué d’acheter ma drogue de cellulose, je ressorts systématiquement avec deux fois plus de livres que prévu. Mes livres s’empilent, prennent la poussière et disparaissent de ma mémoire. Lors des rares rangements de bibliothèque je les redécouvre avec surprise, frustration et un peu de honte. C’est ainsi que dans la modeste collection de 400 titres que j’ai constituée dans mes contrées alpines, j’en dénombre plus d’une cinquantaine que je n’ai jamais ouvert.
Plutôt que de racheter, je me suis contraint à réduire un peu cette pile et c’est l’objet de ma revue du jour.

Le premier livre que j’ai exhumé de mes rayonnages est un grand classique acquis durant mes années collège. L’âge bête m’avait contraint à subir plutôt que d’apprécier ces perles comme le père Goriot ou Eugénie Grandet. Lorsque j’avais découvert l’histoire de Balzac, son penchant pour l’occultisme et ses talents de précurseur dans le fantastique, j’avais remis le couvert en achetant L’envers de l’histoire contemporaine, sur la base de son titre prometteur. Ne découvrant aucune trace d’ésotérisme ou de fantastique, j’avais bien vite refermé et oublié l’ouvrage.
Jusqu’à ce que je redécouvre le titre en classant ma bibliothèque. Devenu adulte, cette fois passionné par les histoires de complot, de cette réalité trompeuse qui n’est qu’une façade pour les activités occultes des maîtres secrets du monde, j’ai une fois de plus accroché sur le titre. J’ai été moins déçu. Le principe est fabuleux et résolument moderne. On découvre bien une conspiration, mais au contraire du postulat de la plupart des théories du complot paranoïaques, l’élite agissante œuvre pour améliorer la vie de ses concitoyens. On découvre au fil des pages l’histoire tourmentée et saisissante des différents protagonistes de cette société secrète. Chaque histoire résonne comme un hommage de l’auteur envers ses œuvres passées. Malgré mon ignorance crasse de la comédie humaine, j’avoue avoir été ébloui par ce point d’orgue. Le roman accuse malheureusement l’âge et la perte du feu sacré du démiurge qui habitait auparavant l’auteur. Le personnage principal est palot et manque de consistance, parfois ses détours de conscience perdent le lecteur dans le désert de l’ennui. Quand a l’intrigue, sa localisation dans l’espace et dans le temps est inconstante et brouillonne, l’auteur se contredit au fil des pages et déroute son auditoire. Bref, le roman apparaît comme un brouillon bâclé plutôt que l’épilogue étincelant d’une œuvre immortelle.
Malgré tout, je ne regrette pas d’avoir retrouvé un peu du talent incontestable d’un maître et l’envie de redécouvrir ses chefs d’œuvre.

Pour ne pas perdre l’ambiance, le deuxième livre que j’ai lu avec la louable idée de diminuer ma pile de lecture se situait dans la même époque. Avec l’espoir de rallumer la flamme du merveilleux, j’ai abordé les Contes fantastiques d’un contemporain et ami de Balzac, le célèbre Théophile Gautier.
Pouah !
Bien mal m’en a pris. La lecture fût une épreuve difficile, à la façon des coureurs d’endurance, c’est l’obstination et le caractère qui m’ont permis d’en venir à bout. Depuis j’éprouve un profond mépris pour ce monsieur Gautier ayant gagné on de sait comment les galons de la postérité. Car si le livre ne mérite pas d’avoir survécu aux siècles, surtout dans ses pages c’est la médiocrité du romancier qui transparaît. J’essaie de ne pas trop m’abaisser pas à cracher trop mon venin sur ce personnage, il ne mérite qu’une indifférence glacée en espérant que l’histoire finira par oublier son nom. Mais c’est très difficile alors me voilà à dire quelques mots pour avertir le lecteur imprudent de ne pas tenter l’expérience.
C’est donc un recueil de nouvelles, la plupart fantastiques, de ce point de vue le titre du livre ne trompe pas. Par contre, j’ai eu beau m’acharner à les lire, je n’en trouve pas une seule pour rattraper l’ensemble. Il faut dire que le thème a de quoi rebuter celui qui recherche le fantastique et le merveilleux, ce sont toutes des histoires d’amour. Je ne suis pas fan du genre, mais passons. L’amour est décrit dans ce qu’il a de plus niais, de plus naïf ou de plus mièvre. Ici, un jeune homme qui meurt car son aimée ne veux pas de lui, là, la reine Cléopâtre est dépeinte comme une midinette en manque de sexe. La plupart du temps, l’intrigue se résumerait en une poignée de lignes, mais le maudit Téophile enchaîne le lecteur aux pages en lui refusant la libération du mot « fin ». Et voui, parce que l’ami Théo, il aime les descriptions, les pages de descriptions, les kilos de description. Il faut dire que le bougre a visiblement de la culture mais qu’il possède également le mauvais goût de l’étaler avec une pédanterie insupportable.
Aller hop, je vais essayer d’oublier ce mauvais goût que je garde en bouche. Je vais certainement mettre le livre au feu, ça lui donnera enfin un intérêt.

Pour conclure après cette expérience de la pile à lire, j’observerais que si certains livres sont restés non lus, c’est peut être aussi pour de bonnes raisons.

dimanche, novembre 22, 2009

Un oiseau et des oies sauvages...

Le sourire d’un grand père bienveillant, la générosité de son ventre rebondi et la douceur de sa barbe couleur de neige ont guidé notre enfance. Un manteau rouge fantasmé par les vendeurs de limonades et une vérité universelle qui transcende les religions et les peuples. Le monde mesquin des adultes dénonce le complot, l’imposture, une conspiration du marketing. Et pourtant, chaque année voit l’espoir des garçons et des filles se gonfler alors que le mois de décembre avance, jusqu’à cette nuit magique. Chaque année voit le petit matin apporter ses surprises sous le sapin. Cette magie qui brille dans le sourire des enfants. Pourquoi chercher ailleurs une preuve qui se trouve sous nos yeux, le père noël existe.
En dehors des enfants, seuls certains poètes troubadour savent deviner cette réalité que le cœur froid de l’âge d’homme repousse dans les confins d’une imagination vaincue. Romain Sardou en fait partie et son conte pour Sauver Noël réussit à illuminer la flamme du souvenir. Lorsque la réalité devient trop déprimante et que le quotidien perd ses couleurs, lire un tel livre rafraîchit l’esprit et réveille les réminiscences de l’enfance.

C’est une histoire toute simple qui baigne dans le fantastique et le merveilleux. On y retrouve l’esprit de Dickens et l’Angleterre de la reine Victoria. Au plein cœur de l’hiver, le mystérieux baron Ahriman vient emménager au cœur de la capitale. La gouvernante de la maison voisine, Gloria Pickwick découvre alors un complot pour que noël n’ait pas lieu. Et le matin du 25 décembre ne voit aucun cadeau sous le sapin, tandis que le voisin diabolique célèbre sa victoire.

L’histoire est rythmée, bien écrite et se lit d’une traite. On peut juste regretter que parfois l’écrivain en fasse trop et tirant par les cheveux des situations qui n’avaient rien demandé à personne. Mais dans un conte, ça passe. En résumé ce petit livre sans prétention meublera agréablement un voyage en train durant le mois de décembre pour ranimer le fameux esprit de noël.

jeudi, novembre 12, 2009

Un oiseau fondu dans la masse...

L'humanité ne serait-elle qu'un vaste troupeau, que des bergers cupides orientent à leur guise ? Voilà le propos de Ionesco avec sa pièce Rhinocéros, le thème de l'individu qui disparaît pour se fondre dans le moule de la normalité.
Voir passer un rhinocéros, fut-il africain ou asiatique dans un petit village français n'est certes pas "normal". Mais alors, si tout le monde se transformait en rhinocéros, la bienséance voudrait que l'on suive l'exemple, chacun justifiant son choix selon sa perception étriquée du monde. A la fin, l'original serait alors l'humain au milieu des bêtes sauvages.
Avec ces trois lignes, je pense avoir résumé assez fidèlement l'histoire. Postulat absurde, raisonnement absurde, théâtre absurde, sainte trinité qui gouverne la pièce.
Les interprétations habituelles y trouvent un chef d'œuvre, la dénonciation des régimes totalitaires où des comportements humain de collaboration brutalement illustrés par la seconde guerre mondiale. Quand à moi, je lâche prise et je baille.
Sous sa forme écrite, le théâtre fait l'économie de la description pour se concentrer dans le dialogue, exercice de style difficile et peu valorisant. Du coup le talent de l'écrivain disparaît derrière celui du metteur en scène ou celui des acteurs seuls capables d'habiller dignement des conversations. Et bien je peux affirmer que c'est encore pire pour le théâtre absurde. Les réflexions deviennent incohérentes, et les échanges pénibles.
Je pense sincèrement que Rhinocéros est une bonne pièce mais je suis persuadé qu'il faut impérativement la voir avant de la lire. Ne serait-ce que pour vivre tout ces moments de silence et ces intonations donnant parfois au surréaliste un ton comique.

Quand au fond de commerce de la pièce, que j'interprète comme une analyse de la normalité. Génie ou pas, je ne suis pas convaincu. Pas plus que la ritournelle éducative servie par des donneurs de leçon borné lorsque leur progéniture suit les autres enfants dans leurs bêtises collectives: Si tout le monde se jetait dans un puis, est-ce que tu ferais pareil ?
Peut-être que oui, peut-être que non. A vrai dire si la question est simpliste, la réponse est potentiellement intéressante. Sauf le propos de Ionesco ne semble pas vraiment plonger sous la superficialité des raisonnements communs.

mardi, novembre 10, 2009

Noyé dans l’océan mer


Perdu dans les brumes d’un amour disparu, le poète parlait d’une terre bleue comme une orange. Non, je ne souhaite pas commenter de ma voix maladroite le génie des images de Paul Eluard. Je serais plus trivial en m’attardant sur la couleur qui donne sa beauté et ses mystères à notre petite planète. Le bleu que peuvent contempler nos cousins martiens est dû à nos déserts marins, cet Océan mer qui justifie le roman éponyme de Alessandro Baricco.
C’est un livre étrange au premier abord. Comme la mer, il se mérite et s’apprivoise. Le premier contact est houleux. L’écriture suit une lente ondulation et les expressions se répètent inlassablement. Sur la crête des vagues, la richesse du style et le goût râpeux du sel donnent la nausée. On croit qu’on n’en sortira jamais et on regrette d’avoir acheté un billet. Puis finalement on s’habitue et on commence à comprendre.

On commence à comprendre la folie de réunir ces personnages dans la pension Almayer. Entre ce peintre cherchant à saisir le portrait de la mer, ne traçant sur la toile que des lignes invisibles d’eau salée, cette petite fille trop sensible que la moindre émotion risque de tuer, ce scientifique naturaliste collectionnant les lettres d’amour pour la femme de sa vie en attendant de la rencontrer et tant d’autres portraits de personnages improbables que seule la perfection du hasard ou la volonté du démiurge peut réunir le temps d’un roman.

On commence à comprendre que derrière cette poésie rimant la fantaisie la réalité revient à la vitesse d’un cheval au galop. L’histoire avec un grand H de ce bateau échoué au large de la Mauritanie, la tragédie d’un radeau symbole du désespoir et de la déchéance immortalisé par Géricault. Contrepoint du chef d’œuvre pictural, le roman gratte couche après couche le drame dans sa crudité la plus absolue.

On commence à comprendre que le personnage principal de l’histoire ne se cache pas derrière les portraits improbables des protagonistes, que ce n’est pas le drame de la méduse, ni même la mystérieuse pension Almayer ou l’inconnu dans la septième chambre. Non le véritable personnage du roman, c’est l’Océan mer du titre.

La dernière page tournée, on se sent de nouveau mal à l’aise, une vague de nostalgie venue de nulle part nous emporte. Mystérieusement atteint par le mal des marins de retour sur la terre ferme, on rêvasse à la beauté du verbe à la saveur des mots au goût salé du style persistant dans la gorge.

A feuilleter à nouveau livre trois mois plus tard je constate que la magie est toujours là et contrairement à mes habitudes je ne résiste pas à conclure sur un extrait.
Et à présent qu’il est parti, il n’y a plus assez de temps. L’obscurité suspend tout. Il n’y a rien qui puisse dans l’obscurité devenir vrai.

jeudi, octobre 22, 2009

Un lecteur imprudent

Un emploi du temps trop bien rempli occupe mes pensées. Ces derniers mois, exhumer des revues de lecture tient plus de l’archéologie que de la critique littéraire. Pour retrouver les souvenirs enfouis de tel ou tel livre, je dois plonger dans le lagon improbable de ma mémoire pour y pêcher des réminiscences aléatoires. L’exercice se révèle frustrant et difficile alors je retarde le moment, malheureusement le temps qui passe complique encore la corvée. Me voilà donc face à l’un de ces livres duquel ma mémoire peine à retrouver les bons et les mauvais souvenirs. L’écharde est profondément enfoncée, ce sera plus douloureux à extraire. Si j’attends encore ce sera pire. Alors je prends une bouteille de whisky, pour désinfecter, un scalpel bien aiguisé et je découpe en serrant les dents.
Depuis H.G Wells, le voyage dans le temps a toujours été l’un des thèmes les plus abordés de la science fiction. La problématique sous jacente est une mine de paradoxes et de bases philosophiques pour les conteurs. René Barjavel aborde le thème en précurseur avec l’histoire d’un voyageur imprudent.
Le narrateur est improbable. Mathématicien de talent entraîné dans les douleurs de la plus grande tuerie qu’ait connu le siècle dernier. Le roman s’ouvre sur une débâcle militaire au milieu de la guerre. Le hasard irritant d’un deus ex machina qui s’invite dès les premières pages en organisant la rencontre du mathématicien nommé Pierre Saint Menoux et de son mentor, le physicien Noël Essaillon. Comme la coïncidence n’entraîne aucune pudeur chez l’écrivain, St Menoux est justement l’homme qui par ses commentaires dans les revues scientifiques a soutenu les travaux de l’inventeur et lui a permis de découvrir une substance pour voyager dans le temps. Mis à part cette contribution essentielle, Saint Menoux se contentera d’assister le savant en explorant pour lui les méandres du temps, son esprit scientifique définitivement abandonné dans la suite du récit.
Au beau milieu du roman, le narrateur s’enfonce dans un futur très lointain, 100 000 après notre ère pour découvrir une société idéale ou l’individu a disparu pour se fondre dans une collectivité d’êtres spécialisés. L’expérience finira par coûter la vie de son mentor. Saint Menoux, livré à lui-même accumulera alors les maladresses qui finiront par causer sa perte.
La scène finale présente aux habitués du genre un air de déjà vu tant le thème a été rebattu depuis. Il m’en coûte mais je n’en dirais pas plus pour ne pas gâcher la surprise d’un lecteur moins blasé. Il y a beaucoup de facilités dans l’histoire, joie des paradoxes temporels qui permettent au créateur fatigué de justifier beaucoup sans efforts.
M’est avis qu’en dehors de sa qualité de précurseur le livre reste tout à fait dispensable.

lundi, septembre 07, 2009

Faites entrer l’accusé

Des jours et des nuits qui valsent dans la musique cosmique. Leur danse céleste a de quoi donner le tournis. Quand on sait qu’un autre matin se lèvera forcément, on s’endort dans une monotonie brumeuse. On reporte au lendemain, on laisse le temps s’écouler dans l’apathie et la morosité jusqu’à ce que le sablier égrène son dernier battement de cœur.
Il en va ainsi pour la majorité d’entre nous, arrivant à la mort sans avoir vraiment vécu. Sauf pour certains élus, heureux où malchanceux choisis par la fortune.
Tel est le destin de Joseph K. en ce beau jour où un éclair déchire le brouillard de la monotonie. Le Procès de Franz Kafka débute ainsi par l’arrestation du jeune homme. Une arrestation bien singulière car les agents qui viennent l’informer de son inculpation sont incapables de lui révéler les chefs d’accusation et se contentent de le laisser vaquer à ses occupations. De fait Joseph K. n’ira jamais en prison, bien mieux enfermé par les barreaux du quotidien que par ceux d’une cellule.
La scène est brutale, dérangeante, absurde et passablement ennuyeuse, tout comme le reste du livre. L’art de la critique reste délicat quand il s’agit de donner son avis sur un chef d’œuvre reconnu comme tel par la postérité. On se dit que l’on a manqué quelque chose ou bien qu’il nous manque des neurones pour saisir la portée du texte.
A vrai dire, moi je me dédouane en affirmant que je lis des histoires. Si elles entraînent à une réflexion, tant mieux j’en sors grandi, sinon cela ne les empêche pas de rester divertissantes. C’est tout le problème de ce livre, c’est vendu comme un roman, ça ressemble à un roman, ça présente une fiction romancée, mais ça ne devrait absolument pas se lire comme un roman. Je n’y ai trouvé que la projection toxique des névroses de l’auteur sur le papier, une dénonciation par l’absurde de la justice populaire et du bon sens commun.
A la lecture, j’ai cette impression bizarre, semblable à ce jeu d’enfant qui consiste à tourner sur soi même jusqu’à s’en rendre malade et ne plus pouvoir marcher droit. Après l’arrestation de Joseph K. j’avais ainsi l’impression de tituber le long des pages, étranger à l’action du roman.
Au début, le comportement de Joseph K. est très humain, vouloir comprendre ce dont on l’accuse, essayer de comprendre le fonctionnement de la justice et d’en critiquer les mécanismes arbitraires qui la gouvernent. Même essayer d’oublier le procès est compréhensible. Et petit à petit le comportement même du narrateur devient étrange à mesure qu’il tente de se défendre, jusqu’à ce qu’enfin il accepte son destin.
Les enseignements de tout cela semblent bien cachés pour mon esprit profane, je ne peux que ranger le livre dans ma bibliothèque avec la satisfaction d’ajouter un classique à ma liste et de comprendre enfin l'adjectif "Kafkaïen". Tout le reste n’est que philosophie.

mardi, août 25, 2009

Perdu dans le ciel, à regretter les anges et les démons

Les antipodes ont ce défaut d'être situées précisément à l'autre bout du monde. Et sur notre si petite planète bleue, l'autre bout du monde c'est déjà loin, très loin. Délaissant mes préoccupations écologiques pour me rendre en Polynésie, j'ai donc pris l'avion, cette espèce de boite de conserve propulsée par des tonnes kérosène afin de tenir miraculeusement dans les airs. Et malgré la vitesse de ce genre d'appareil, il faut quand même compter vingt heures pour arriver à destination. C'est long, très long.

Le rapport de temps est passablement différent mais c'est une perte de temps assez comparable aux transports en commun quotidien pour aller travailler. Donc pendant vingt heures, on s'occupe comme on peut. Et notamment j'ai lu. Coincé au milieu du ciel, ça me semblait de circonstances d'entamer Anges et Démons de Dan Brown.

J'avais déjà lu son succès interplanétaire du Da Vinci Code. Le roman était servi par une écriture simple mais efficace. En dépit des accusations de plagiat, l'intrigue était ambitieuse et l'idée de base géniale. Malheureusement, comme souvent avec les idées trop ambitieuses, le final n'était pas à la hauteur. Et pourtant ce livre m'avait plu, surtout par son aspect ludique à proposer au lecteur des énigmes à résoudre en même temps qu'une ballade néophyte dans l'histoire de l'art.

Me voilà donc à nouveau plongé dans les palpitantes aventures de Robert Langdon dans un nouveau thriller, au milieu des complots millénaires et des symboles cachés de l'histoire de l'art. Bien mal m'en a pris. Si l'on peut difficilement qualifier le Da Vinci code de chef d'œuvre, il est encore plus délicat d'attribuer à son prédécesseur la qualité de brouillon. Et pourtant, dans ce livre on sent les prémices du futur best-seller, le talent en moins.

L'intrigue est une copie conforme. Outre le même narrateur, on retrouve l'assassiné de la première scène qui déclenche l'action. Comme d'habitude c'est la jolie jeune fille adoptive du malheureux qui se retrouve aux côtés du héro durant l'action. Sans aucune pudeur j'oserais révéler que le roman se terminera par une scène d'amour entre les deux tourtereaux. Au cœur du roman, un jeu de l'oie sur l'histoire de l'art pour rebondir d'indice en indice dans les chefs d'œuvres du patrimoine Italien. Il y a toujours un tueur mystérieux et solitaire, froid, efficace et implacable, appartenant à une confrérie secrète centenaire. La construction même de l'alternance des chapitres avec les points de vue croisés du meurtrier et de Robert Langdon est la même que pour le code Da Vinci. On troque la lutte millénaire entre l'église catholique et le prieuré de Sion, contre la même église catholique attaquée par les Illuminati. Ce n'est plus l'opus Dei qui emploie le tueur mais la secte des hashishiyyin. Bonnet blanc, blanc bonnet, tout ça.

Sauf que cette fois ça ne marche pas. Déjà, l'aspect ludique des indices dissimulés dans les œuvres perd de sa nouveauté et semble le plus souvent tirée par les cheveux. Les contre-vérités historiques, les approximations et les hypothèses invraisemblables s'enchaînent. La problématique posée est moins ambitieuse, à savoir un vieux groupe qui décide de se venger de l'église catholique comme prétexte à une resacralisation du monde. Enfin et surtout le narrateur est proprement insupportable. Tout d'abord dépeint comme un simple professeur d'université, du genre veste en tweed et long dimanches dans les bibliothèques, il deviendra au fil des pages un athlète accompli capable de rivaliser avec un tueur surentrainé ou bien de sauter d'un hélicoptère sans parachute. Le tout en moins de deux jours.

En bref et même si le livre se lit facilement et au final permet de passer le temps, je ne le recommanderais vraiment pas.

vendredi, août 21, 2009

Un oiseau bleu qui a mal aux yeux


J'avais déjà évoqué mon expérience de l'an passé avec la lecture touristique. Et bien j'ai remis ça.
Il se trouve qu'au tout début de l'été j'ai eu l'occasion d'aller vérifier si la terre était ronde et si les hommes qui se trouvaient à l'autre bout du monde ne marchaient pas à l'envers. Au risque de m'attirer l'ire des jaloux, j'ai effectivement visité les plages blanches encombrées de paisibles cocotiers et me baigner dans les nuances de bleu impressionnistes de la Polynésie Française.
J'avoue qu'à ce moment là, d'autres préoccupations titillaient mon imaginaire que des aventures fantasmées dans le papier. Il y a tellement de choses à faire sur place que la farniente bouquinante ne m'a jamais attrapé.

Du coup, juste un petit livre pour trois semaines de voyages. Un recueil de nouvelles pour ne pas se faire prendre au piège d'une intrigue sur trois cents pages. Des histoires simples pour ne pas ajouter à l'insolation la migraine du lecteur forcené. Et comme il s'agissait de lectures touristiques, je vais vous commenter Le bleu qui fait mal aux yeux de Alex du Prel.

Je ne sais pas si c'est la volonté de l'éditeur ou bien le narcissisme de l'auteur mais on commence par une impressionnante biographie de l'auteur. On y découvre ainsi un aventurier qui a pas mal bourlingué dans sa carrière avant de se mettre à l'écriture pour raconter sa vision de la Polynésie. C'est un fait, le quidam est amoureux de la région, il se veut poète mais ce n'est absolument pas un écrivain. Déjà, sa plume se perd dans les superlatifs pour décrire le paradis sur terre, ça en devient lassant. Mais c'est surtout le fond du discours qui pique aux yeux, gentillet pour ne pas dire complètement niais.

Pour résumer l'intégralité du livre, on se contentera d'un nostalgique "c'était mieux avant". Il semblerait que les polynésiens vivaient une utopie dans les temps anciens, vu l'environnement on peut le comprendre. Et puis les occidentaux sont arrivés et ils ont tout gâché. Ces salopards n'ont absolument pas cherché à comprendre et à respecter le peuple des iles mais ont cherché à imposer leur mode de vie et leurs manières. Société de consommation uniformisée, l'homme blanc qui ne comprends pas et qui détruit ce qu'il touche, bref des lieux communs.
Nos anciennes habitudes colonialistes donnent certes un écho réaliste à ce refrain. Mais dans le thème des méfaits du colonialisme, je préfère de loin la vision d'un Mike Resnick avec son infernale comédie qui donnent une réelle dimension dramatique et entrainent une réflexion vertigineuse. Ici, la profondeur de l'analyse n'est pas au rendez-vous, le discours ne va pas plus loin qu'une glorification passéiste. Alors le même couplet sur une douzaine de nouvelles c'est trop.
C'est dommage car il y a une certaine tendresse dans l'écriture et quelques pages suffisent à nous restituer cette chaleur humaine incomparable qu'on trouve dans les iles du bout du monde.

Malheureusement, une ambiance chaleureuse ne suffit pas ça faire un bon livre. En l'occurrence, ça n'en fait pas un mauvais non plus. Juste un petit truc à lire avant d'aller piquer une tête dans les plus beaux lagons du monde.

mardi, août 18, 2009

L'oiseau faussaire

Une revue de lecture, c'est finalement un prétexte. Un prétexte pour parler de soi, mais aussi un prétexte pour parler tout court. Face à la mélancolique fixité d'un écran d'ordinateur, parler n'est rien, il faut écrire. Écrire pour soi bien sûr, mais surtout écrire pour une multitude virtuelle.

Voilà ma motivation profonde au travers de ce blog. Lorsque l'inspiration me fait défaut, que l'imaginaire s'enfuit, je trouve un cadre pour écrire. Commenter mes lectures récentes est généralement facile et j'aime à croire que cela contribue à affuter ma plume.

Mais voilà, de temps à autres mes lectures ne m'inspirent rien. Voilà peut être l'émergence d'un nouveau concept, l'indifférence littéraire. En parler devient alors singulièrement difficile et rédiger quelques lignes sur ce blog tiennent plus du remplissage que de l'écriture.
A chacun son fardeau, j'assumerais donc ce rôle que je me suis choisi en vous parlant des Falsificateurs de Antonio Bello.

Le roman est assez bien écrit, la prose est fluide et efficace, l'idée de base est tout simplement géniale. Mais encore une fois le traitement emmène l'ouvrage dans mon panthéon des belles idées gâchées.
Le postulat de base est qu'il est possible de modifier la réalité en manipulant l'information. Une organisation secrète, le consortium de falsification du réel, cherche ainsi à transformer ou à inventer de toutes pièces des évènements historiques afin d'orienter la marche du monde. Inventer une nouvelle espèce en voie de disparition ou bien répandre la rumeur de la première chienne dans l'espace nommée Laïka représente un sacré travail. La puissante CFR profite de l'actualité pour la manipuler, manœuvre les médias, créée de fausses preuves. Après tout, si l'on falsifie les rapports et les archives, que l'on manipule les images et les textes liés à un évènement comment la multitude n'ayant pas observé directement l'évènement pourrait elle faire la différence entre la réalité et la fiction. C'est un travail colossal car souvent l'information se répand rapidement et les sources sont multiples et insoupçonnées.

L'histoire débute donc avec le recrutement du jeune Sliv Darthunger, fraichement émoulu de l'université de géographie de Reykjavík. Rapidement, il deviendra un scénariste hors pair et gravira les échelons de l'organisation. C'est son imagination qui lui souffle les évènements à manipuler ou à créer. Seulement manipuler la réalité c'est quelque chose, savoir dans quel but c'en est une autre. C'est là le nœud de l'intrigue ne pas savoir qui il sert et pourquoi le perturbe, même si les aspects ludiques de son travail lui permettent de passer outre.
Si les aspects géopolitiques et les jeux de pouvoirs sont très bien décrits et passionnants dans le livre, au final on n'arrive pas à y croire. Je ne suis pas rentré dedans, car déjà le narrateur m'agace avec son arrière goût de premier de la classe et son goût immodéré de la compétition. Ensuite, il y a une certaine légèreté dans la façon dont le CFR confie à de jeunes recrues la possibilité de véritablement changer le monde. Enfin, une fois la dernière page tournée, le lecteur n'en saura pas plus sur le pourquoi de toute l'organisation. Et le comment se révèle souvent boiteux, j'ai la naïveté de croire que manipuler les évènements de première importance doit être sérieusement plus compliqué. Sans compter l'arrière goût malsain que propose l'histoire car après tout, sans sombrer dans la peur du complot et la paranoïa, des gros groupes pourraient parfaitement jouer à ce jeu, avec des objectifs moins innocents que la façade présentée par le CFR.

Au final, je sais qu'il y a une suite et une fin à ce livre mais je ne suis toujours pas décidé à investir dans le deuxième tome. Ce livre va se certainement prendre la poussière dans la bibliothèque anarchique de mon esprit au côté du Tueur de temps de Caleb Carr qui exploite le même concept génial de manipulation de la réalité sans réussir non plus à transformer l'essai.

lundi, août 10, 2009

Little Green Bird

Encore et toujours mes devoirs de vacances. Aujourd’hui je vous propose un tableau de vert et de rouge, une récréation au milieu de toutes mes lectures trop sérieuses ou trop dramatiques. Il s’agit de l’histoire d’un petit homme vert, ou L.G.M, little green man pour ceux qui n’auraient pas le réflexe yuppie de migrer toute expression dans un anglicisme post-moderne pour le dessécher sous la forme d’un acronyme abscons.
Donc cette symphonie composée par Wagner. Nan, pas le compositeur allemand, Roland Charles Wagner notre romancier français, prolifique et souvent déjanté. Je disais donc, dans cette symphonie, la vie existe sur mars et elle a le bon goût d’envoyer sur terre l’un de ses ambassadeur. Un petit homme vert, forcément.
Tout de suite vous pensez à Frederic Brown et son délirant Martiens go home, et vous avez raison. Le livre s’ouvre d’ailleurs sur une citation extraire du quidam et l’ensemble fait beaucoup penser à un hommage à l’œuvre du maître.

Donc une quarantaine d’année avant l’action, les américains et les russes occupés à comparer leur virilité envoyaient des trucs dans l’espace. Ca vidait les caisses du contribuable, mais ça valait déjà mieux que de s’envoyer des bombes à neutrons à la figure. Tout est que les américains avaient envoyé une sonde sur mars. La première image en provenance de la sonde était un petit homme vert, en train de tirer la langue. Dès lors une course s’était engagée pour amener sur mars un équipage. Course remportée par les russes, les premiers à poser le pied sur la planète rouge et en ramener un ambassadeur, vert.
Le roman débute au moment ou le narrateur est chargé de retrouver la trace du martien, kidnappé par une bande de hippies. Il retrouve bien vite l’ambassadeur qui avait tout simplement fugué échapper aux délégations diplomatiques ennuyeuses et goûter au sexe, aux drogues et au rock ‘n roll.
Sitôt retrouvé, le petit homme vert se fera kidnapper pour de vrai par les agents rouges du KGB. Bien sûr notre narrateur, agent secret des services français sera dépêché à sa recherche. Une course poursuite excentrique et haletante nous tiendra alors en haleine jusqu’à la dernière page. Nous visitons une uchronie farfelue ou la guerre froide ne s’est pas arrêtée. Les américains sont sur le déclin et leur pays rongé par les ambitions démesurées du petit buisson se morcelle en états sécessionnistes comme la Californie, dirigée par le leader charismatique des Dead Kennedys. De leur côté, les russes s’ouvrent à une vraie démocratie et remportent petit à petit la victoire pour la suprématie mondiale. Je n’en dévoile pas plus mais l’histoire rebondie souvent dans des directions inattendues et rocambolesques.

Les intermèdes sous la forme de dépêches et d’extraits des journaux internationaux nous familiarisent avec cette tranche alternative de l’histoire. Les citations et références truffent le texte pour détourner les icônes de la culture populaire moderne. Le résultat est croustillant et savoureux, on se surprend à délaisser l’intrigue pour dénicher les références, trouver des indices et se bidonner devant un Daniel Balavoine chantant je ne suis pas un martien.

Au final le roman est assez plaisant à lire et divertissant. Certainement pas l’œuvre du siècle mais un sacré bon moment. Malheureusement, ce genre de livre risque vieillir très vite, trop référencé et trop engagé contre les impérialismes divers.

dimanche, août 09, 2009

Un oiseau maudit

Il fait beau aujourd’hui et pourtant je paresse à la maison. Retenu par la conscience aigue de ces milles choses à faire. Milles petites corvées de la vie quotidienne comme autant de boulets pour entraver ma résolution d’en accomplir une seule.
Mettre à jour ce petit blog et rattraper un retard chronique dans mes revues de lectures en fait partie. Alors me voici coincé devant l’ordinateur alors que le soleil brille. Tant pis pour vous. Je vais parler de la mort et de la manie de la grande faucheuse de couper le fil de nos pauvres existences. La plupart du temps, la fin de nos vies anonymes n’affectent pas la marche du monde et les échos s’arrêtent bien vite. Il en va autrement lorsque la gloire et la célébrité ont illuminé le pauvre défunt. C’est alors que les médias s’emparent de la tragédie pour faire remonter à la surface les bulles de la mémoire et que des milliers de philistins découvrent les faits des grands hommes.
C’est ainsi que j’ai appris la mort de Maurice Druon, pour moi l’un de ses poussiéreux écrivains d’avant guerre. Le nouvelle ne m’a pas trop touché jusqu’à ce je fasse le rapprochement avec son œuvre majeure sur les rois maudits. Dans mon esprit c’était surtout une série télévisée populaire dont je m’étais promis de visionner le remake récent. La saga des rois maudits est également l’une des sources d’inspiration des chroniques du trône de fer dont je suis friand.
Le coup de projecteur de la mort aura fini par me décider à acheter les premiers livres de la saga, à savoir le roi de fer, la reine étranglée et les poisons de la couronne.

L’ouverture du premier livre donne le ton avec la fin du procès des templiers et l’annonce du jugement de Jacques de Molay. L’un des hommes les plus puissants de son temps réduit aux haillons d’un prisonnier commun après sept ans d’un procès inique et calculé. Sur le bûcher le grand maître aurait prononcé une malédiction restée célèbre :
Pape Clément ! Roi Philippe ! Avant un an, je vous cite à paraître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste châtiment ! Maudits ! Maudits ! Tous maudits jusqu'à la treizième génération de vos races !
Cette déclaration est probablement fausse. Mais elle donne le thème de la saga des rois maudits. Page après page, nous seront captivés par le destin funeste des derniers capétiens. Entre adultère et empoisonnement, cabales et complots la famille royale va s’éteindre rapidement. C’est dramatique, mais c’est un vrai régal à lire.
Malheureusement, la qualité de l’écriture est inégale entre les chapitres, du soporifique au burlesque on se demande si c’est le même auteur qui a écrit l’ensemble. La rumeur voudrait que non et que Maurice Druon ait réuni des collaborateurs pour sa saga. Malgré tout l’ensemble reste très bon et l’on oublie vite les chapitres un peu légers.

Moi qui affectionne les sombres machinations politiques et les trahisons en tout genre, je n’ai pas été déçu. Quel frisson de penser que la richesse de l’intrigue et les sommets du drame sont inspirés par notre passé. La vocation pédagogique d’un tel ouvrage n’est pas non plus laissée de côté. Comprendre les bouleversements politique et sociaux de l’époque donne une lumière passionnante sur nos institutions actuelles. Dans ce livre on découvre véritablement comment notre pays s’est créé. D’autant plus qu’une riche collection de notes historiques et biographique nous immergent dans l’époque, sans rendre la lecture pesante.

Je me suis arrêté au bout du troisième tome parce que l’on m’avait prévenu que la suite était moins intéressante et j’avais d’autres priorités sur ma pile de lecture.
Mais j’y retournerais un jour, c’est forcé.

samedi, août 08, 2009

Les oiseaux ont chanté

Où est passé le joli mois de mai avec ses bourgeons et ses oiseaux qui chantent? Il est venu, puis s’en est allé. Les mois ont défilé et sur les arbres les bourgeons fleurissent mais pas les billets sur cette branche perdue dans la toundra numérique.
Tout ça pour dire que je suis sacrément en retard de mes revues de lectures.
Les raisons et les excuses ne manquent pas. Sur mon petit carnet, j’ai même un mot d’excuse signé par l’adjointe au maire du petit patelin où j’habite. Tout ça pour un simple petit "oui". Moi qui d’habitude prends plaisir à jongler avec les mots, me voilà perdu face à trois petites lettres, communes et banales. Malgré mes préoccupations nuptiales, je n’ai pas lâché mes romans et nouvelles.
L’amour, le sexe et autres préoccupations sentimentales me fournissent une magnifique introduction. C’est encore l’été et malgré le retard, je peux toujours commencer mes carnets de vacances pour vous faire la revue d’un Roman avec cocaïne de M. Aguéev.

Comme c’est l’un des points qui poussent la plupart des lecteurs curieux à lire ce livre, je suis bien obligé de dire quelques mots sur l’auteur. M. Aguéev (Maurice ? Marcel ? Un prénom russe imprononçable ?) est un mystère. Il n’est connu que pour quelques manuscrits, dont le roman avec cocaïne, envoyés à un éditeur parisien. Roman presque anonyme, l’auteur n’a laissé aucune adresse et n’a jamais été formellement identifié. Il faut dire que dans les années 30 évoquer crûment les réalités sombres de la drogue et du sexe fait scandale. Quantité de légendes circulent au propos de M. Aguéev, et de son mystérieux envoi expédié de Constantinople. Est-ce un roman autobiographique ? Est-ce un prête-nom pour un illustre Nabokov ou autre ne voulant pas se salir la plume, l’auteur est-il encore vivant de nos jours. Les émanations de souffre de l’ouvrage sont encore bien sensible presque un siècle plus tard et son talent intact nous touche toujours.

Nous sommes à Moscou, pendant la première guerre mondiale mais les horreurs de la guerre ne touchent pas la jeunesse oisive du lycée. On découvre Vadim, un jeune lycéen observateur cynique de son époque. Il se présente comme un jouisseur méprisant et brutal pour qui le tableau de la vie c’est d’abord le quotidien du lycée ou les machinations sociales permettent de grappiller de l’influence, pour qui les femmes ne sont que des faire-valoir d’un "enfant prodige érotique".
Mais derrière la carapace, Vadim est un écorché vif qui agit le plus souvent guidé par des impulsions et le désir de paraître. Il souffre de sa propre cruauté et de son comportement, son humanité transpire dans les regrets et les remords qu’il éprouve. A ce titre le deuxième chapitre où il trompe l’innocence de la jeune Zinotchka pour finalement souffrir de l’inutilité de son geste est assez révélateur.
Finalement, Vadim terminera le lycée et rencontrera l’amour. Celui avec un grand A, que tous attendent. Vadim le trouvera et il causera sa perte et sa déchéance. Malgré tout le cliché de ce concept, le regard perçant et la froide analyse livrée par le narrateur, l’étude de l’antagonisme fatal entre sentiment et désir font de ce roman un chef d’œuvre, très loin du côté romantique et fleur bleue du thème abordé.
La dernière partie ou Vadim sombre petit à petit dans la cocaïne est tout aussi magistrale, mais donne à penser que le point d’orgue est passé. C’est une erreur et le dernier paragraphe fait entrer le roman au panthéon des œuvres immortelles.

Ce livre est monstrueux et merveilleux, il est futile et essentiel, en bref il m’a marqué.